1990 fut aussi l'année des absents : Mylène Farmer et Jeanne Mas ont été d'une discrétion quasi totale. Et Désireless a rendu son tablier pour se consacrer aux tâches ménagères. Quant au seul vrai espoir d'avoir une grande chanteuse en France dans la lignée des Streisand ou des Bette Midler, il semble s'être évanoui : Guesh Patti se débat dans un marais de déboires artistiques. Comme chaque année, la nostalgie des années 50, 60, voire, maintenant, 70, a trouvé sa place dans notre paysage musical. Clo-Clo junior, fils du grand regretté, nous propose une émission sur TF1 sur le thème Souvenirs, Souvenirs..., et notre futuriste acharné, Jean-Michel Jarre, préfère continuer dans les mégaloconcerts : il a au moins la qualité d'être original dans la forme, même si ses musiques sont joliment simplistes.

Changeons de registre. Avec leurs « adieux au music-hall », fêtés à l'Olympia, comme il se doit, les Bérurier Noir ont clos une page essentielle du rock français, après en avoir été un détonateur. « Adieu l'alternative... Bonjour l'indépendance ! » fut le cri poussé par Boucherie Productions, héritières de ce « big-bang », premier et seul vrai label de rock français. Libérés enfin du complexe anglo-saxon, les « groupes phares » de l'ex-mouvement alternatif – les Satellites, la Mano Negra, les Négresses Vertes, et les Garçons Bouchers – suscitent un intérêt certain dans les brumes d'Albion-la-dédaigneuse, tout comme au berceau du rock, là-bas, de l'autre côté de l'Atlantique...

Patricia Scott-Dunwoodie

Cinéma

Alors que le cinéma français continuait à céder des parts de son marché et que se poursuivaient de nombreuses fermetures de salles, non seulement dans les petites villes de province mais sur les Champs-Élysées, trois des grands succès de l'année : Cyrano de Bergerac de Jean-Paul Rappeneau, Nikita, de Luc Besson, et la Gloire de mon père, d'Yves Robert, possédaient les qualités des spectacles bien faits et ont permis de limiter l'érosion.

Quelques auteurs confirmés ont persisté dans les voies d'une écriture cinématographique renouvelée (Nouvelle Vague, de Jean-Luc Godard), d'une analyse pointue des sentiments (Conte de printemps, d'Éric Rohmer) ou d'une tentative pour approcher au plus près, sans la moindre démagogie, l'univers des adolescents actuels (le Petit Criminel, de Jacques Doillon).

De ces trois « anciens », seul Rohmer a poursuivi une ligne droite toujours fondée sur une trame sophistiquée de néomarivaudage. Godard, lui, a été de plus en plus attiré par la séquence courte qui a donné à Nouvelle Vague une forme hétérogène qui a désarçonné certains de ses admirateurs. Le cinéaste a réalisé de plus en plus de courts métrages, surtout en vidéo (On s'est tous défilé, Puissance de la parole), qui lui ont permis de travailler l'aspect visuel de ses œuvres dans une optique picturale. Une très enrichissante exposition, Passages de l'image, lui a été dédiée par R. Bellour, C. David et Ch. Van Assche, au Centre Pompidou (12 sept. 1990-11 janv. 1991).

En revanche, peu de nouveaux cinéastes français se sont distingués cette année : la Discrète, de Christian Vincent, qui a offert à l'acteur Fabrice Luchini l'occasion d'amorcer une seconde carrière et révélé la jeune Judith Henry, a été le film le plus réussi, bien qu'il n'ait pas vraiment innové, le metteur en scène suivant d'un peu trop près le sillon intimiste creusé par Éric Rohmer.

L'Est jusqu'au bout

La chute des régimes communistes a provoqué le déblocage d'un certain nombre d'œuvres interdites, dont une des plus intéressantes est la Plaisanterie, du Tchèque Jaromil Jires (1968), adaptée du livre le plus célèbre de Milan Kundera.

Cependant, non sans paradoxe, la libéralisation intervenue à l'Est a eu pour effet de désorienter une production cinématographique fondée exclusivement sur le soutien de l'État. Peu de films ont été mis en chantier depuis un an, sauf en Union soviétique, dont la « perestroïka » s'est faite progressivement. Deux œuvres soviétiques, réalisées par de nouveaux venus, Bouge pas, meurs, ressuscite, de Vitali Kanevski, et Taxi Blues, de Pavel Lounguine, ont créé l'événement au dernier festival de Cannes puis lors de leur sortie en salle. Succès de prestige s'entend.