Trop tardive pour empêcher l'union de l'opposition, cette promotion ministérielle pourrait toutefois affaiblir l'UDF et le RPR à l'heure décisive d'un scrutin de censure.

Le pluralisme du RPR est d'une autre nature. Il n'est pas structurel mais conjoncturel. Il s'exprime par des courants chargés, depuis le 22 juin 1989, d'animer la réflexion politique du mouvement de Jacques Chirac. Et, du fait du charisme de son chef, il n'a d'autre but que de permettre à l'opposition de remporter les prochaines élections.

C'est là que le bât blesse. Pour les « rénovateurs », la route du succès exclut toute alliance avec le Front national et exige sans doute un changement de stratégie politique. Aussi, le 6 décembre, Michèle Barzach et Michel Noir, qui craignait de « perdre son âme », ont-ils démissionné ! Pour sauver la sienne, Alain Carignon, hostile au vote blanc ou nul, avait invité en juin le RPR à constituer avec le PS un Front républicain pour battre le candidat de Jean-Marie Le Pen à Villeurbanne. Mis en congé du RPR, il a fondé le Forum républicain en septembre.

Pour leur part, Charles Pasqua et Philippe Séguin ont lancé leur appel dès le 9 janvier pour demander au RPR d'élargir sa base électorale en réaffirmant ses idéaux. Était-ce un putsch dirigé contre Jacques Chirac ? Ne serait-ce pas plutôt une démarche faite pour inviter les déçus du gaullisme à rejoindre le RPR et donc à marginaliser le Front national ? L'opinion a été surprise, les militants choqués, Jacques Chirac blessé. Mais, à l'issue des assises du Bourget, le 11 février, l'ancien Premier ministre a réussi à maintenir l'unité de son mouvement.

Celle de l'opposition « parlementaire » est déjà en marche. Réuni dès le 10 janvier autour de Valéry Giscard d'Estaing et de Jacques Chirac, le Comité de coordination a recherché le moyen « d'arriver à des candidatures uniques à tous les niveaux des scrutins futurs ». Sa tâche a été largement facilitée par la tenue des états généraux de l'opposition, cadre de discussion commune pour des problèmes d'intérêt national.

Le 5 mars, la création de la Force unie par neuf néo rénovateurs sans doute acquis au principe de la fusion du RPR et du PR est allée plus loin que ne le souhaitaient les dirigeants du CCO. Dès le lendemain, ceux-ci ont réagi en constituant un groupe de travail « sur les primaires ». Le 26 juin, ils formaient une confédération de l'opposition, l'Union pour la France (UPF), bientôt dotée d'un bureau politique (6 et 15 septembre). Toutefois, il restait encore à préciser le mécanisme des primaires à la française, surtout en cas de vacance anticipée de la présidence de la République, comme en a témoigné le psychodrame vécu par l'UPF à ce propos. Mais c'est en votant le 19 novembre la motion de censure condamnant la contribution sociale généralisée que celle-ci a affirmé sa cohésion face à la majorité présidentielle.

Les problèmes de la majorité

En cette affaire, le Premier ministre s'est retrouvé seul. Le PCF s'est opposé à sa politique sociale, présentée comme contraire à l'intérêt de ses électeurs : il a donc combattu sa politique économique visant à la rentabilité (transformation de la régie Renault en société d'économie mixte aux fins de l'associer au groupe suédois Volvo) ; il a condamné l'intervention militaire dans le Golfe et la réunification de l'Allemagne, ainsi que « l'État PS... » (« Pire que l'État RPR », selon Gérard Streiff, l'auteur de la Rosenclature). Aussi, le 19 novembre, a-t-il voté la motion de censure présentée par l'opposition RPR-UDF-UDC.

S'opposer pour s'affirmer, n'était-ce pas pour le PCF le seul moyen d'enrayer un déclin sans retour alors qu'il ne rassemble plus, depuis les élections européennes de 1989, que 7,72 % des suffrages exprimés et que 3,65 % des inscrits ? Ce processus s'est accéléré avec la reconnaissance par Mikhaïl Gorbatchev de la faillite du marxisme-léninisme en URSS, qui était restée le point de référence obligé de ce parti pendant soixante-dix ans. Aussi ses dirigeants ont-ils été vivement contestés. Regroupés dans le Mouvement des rénovateurs communistes (MRC), certains militants, jadis exclus, ont songé à une collaboration ouverte avec le PS (Claude Llabrès) ; d'autres ont même envisagé de lui substituer un nouveau parti révolutionnaire proche des trotskistes. Au sein du Parti, les Reconstructeurs de l'ARIAS (Association de recherches et d'initiatives pour l'autogestion et le socialisme) ont réclamé, avec Marcel Rigout, l'abandon du centralisme démocratique et le pluralisme. Sous l'impulsion de Charles Fiterman, les Refondateurs gorbatchéviens n'ont demandé qu'une « simple » démocratisation du Parti ouvrier de la révolution en marche.