Philippe Delaunes

Productique

Le laser a eu 30 ans cette année : c'est en juillet 1960 que, aux Hughes Aircraft Laboratories, Theodor Maiman fit jaillir le premier rayonnement laser d'un cristal de rubis. Le chercheur américain utilisait alors une technique d'amplification de la lumière appelée « pompage optique » mise au point dix ans plus tôt par le physicien français Alfred Kastler.

Le nom de LASER (Light Amplification by Stimulated Emission of Radiation) rappelle cette émission-amplification de photons. La cavité résonante d'un laser est soit un barreau solide (laser YAG), soit un liquide (laser à colorants), soit un tube de verre rempli d'un mélange de gaz ionisés : argon, hélium, néon, azote, et surtout CO2. Différents types de lasers sont utilisés en fonction des applications : télécommunications et optoélectronique, appareils de mesure de guidage ou d'alignement, reprographie et équipements hi-fi, spectacles audiovisuels, holographie, médecine et chirurgie, armes lasers. Pour le traitement des matériaux, notamment la découpe de pièces sur tables à commande numérique et le soudage à l'aide de robots, les chercheurs et les industriels utilisent les lasers d'une puissance de plusieurs centaines de watts à quelques dizaines de kilowatts.

Polyvalence de l'outil laser

Deux nouvelles applications industrielles sont apparues cette année comme des innovations technologiques majeures : le fraisage-laser et la stéréolithographie. Le premier procédé utilise l'effet thermique d'un laser de puissance à CO2 pour désagréger des matériaux très durs ; dans l'autre, un petit laser ne « détruit » pas la pièce mais la « construit » par solidification d'une résine.

Présenté pour la première fois fin 1989 par le constructeur allemand de machines-outils Maho, le fraisage-laser intègre directement un laser à CO2 compact de 750 watts dans le bâti d'un centre d'usinage à commande numérique : la fraise est ici remplacée par le fin faisceau du laser qui usine dans la masse jusqu'à des profondeurs de 6 mm en une seule passe. Traversant la broche orientable et focalisé à quelques millimètres de la pièce, le laser fond le matériau qui est soufflé par un flux de gaz neutre : le nom de Lasercav donné par Maho au procédé est dû à ce phénomène de cavitation contrôlée. On peut ainsi usiner non seulement des aciers et alliages spéciaux, mais aussi des matériaux à la fois très durs et fragiles, comme les céramiques techniques, puisqu'il n'y a aucun contact, donc aucun effort exercé par l'« outil » sur la pièce. Cette technique prometteuse intéresse les spécialistes de l'outillage et les fabricants de moules et de matrices.

Le second procédé, la stéréolithographie, équivaut, comme son nom l'indique, à une impression-gravure en relief. Un petit laser à ultraviolet piloté par un ordinateur balaie rapidement la surface d'une résine thermodurcissable contenue dans un bac. Il vient photopolymériser et durcir cette dernière, couche par couche, en traçant les contours des coupes successives de la pièce à produire préalablement numérisée en CAO (conception assistée par ordinateur). Ainsi reconstituée par empilage de tranches solidifiées, la pièce en matière plastique rigide plonge lentement dans le bac soutenue par un plateau immergé mobile. Le procédé, expérimenté en France et aux États-Unis au milieu des années 1980, vient de déboucher sur une machine industrielle construite par une PME californienne (3D Systems) et commercialisée par Spectra-Physics. Elle permet d'obtenir des pièces de 250 mm au cube – et bientôt de 500 mm – avec une précision de quelques dixièmes de millimètres en une dizaine d'heures seulement. Le procédé s'applique à la production de pièces prototypes et de maquettes conçues sur ordinateur en bureau d'études. Par les méthodes classiques de moulage et d'usinage, la réalisation de telles pièces unitaires demandait des délais de fabrication de plusieurs jours à plusieurs mois. Raccourcir ces délais aura une incidence considérable, notamment dans l'automobile (dans ses différents bureaux d'études, General Motors fabrique 250 000 maquettes par an, soit un bon millier par jour !). Certains spécialistes considèrent déjà la stéréolithographie comme l'un des plus importants progrès au service de la conception et des méthodes depuis l'arrivée des ordinateurs.

Claude Gelé