Gilbert Rullière

Matières premières

L'année 1990 a confirmé les tendances passées : le prix des matières premières se déconnecte du niveau de l'activité mondiale et ne traduit plus que des situations ponctuelles et spécifiques. La tertiarisation des économies, entraînée par le développement des services et des industries de pointe à haute valeur, a réduit la consommation de matières premières ; par ailleurs, la course à la substitution (par exemple le remplacement des métaux par des matériaux de synthèse) a accéléré cette marginalisation.

La réduction de la consommation de matières premières a contraint les producteurs de matières industrielles d'adapter l'offre à la demande. D'un autre côté, les utilisateurs n'ont pas seulement diminué leurs achats, mais ils ont surveillé leurs stocks afin d'éviter de payer trop de frais financiers en cette période de taux d'intérêt très élevés. Alors que les pays consommateurs calculaient au plus juste leurs approvisionnements, ils négligeaient d'intégrer à leurs calculs le fait que les grands pays miniers − les États-Unis en particulier − s'efforçaient, au même moment, d'ajuster l'offre à la demande.

Ces orientations antagonistes expliquent l'instabilité presque permanente des prix, caractérisée par des phases de tension, mais aussi par des périodes de baisse sur certaines matières premières. Dans l'hypothèse où l'activité économique reprendrait, une grève survenue dans ces circonstances ferait flamber certains prix d'autant plus facilement et rapidement que les capacités de production travailleraient à plein régime, comme c'est le cas actuellement. La spéculation peut d'ailleurs profiter de ces circonstances pour accentuer le mouvement à la hausse. Inversement, en cas de contraction de l'activité économique, les prix peuvent s'effondrer. Aussi les cours des matières premières connaissent-ils des variations très désordonnées. En 1990, ceux du café et du cacao ont été orientés à la baisse alors que d'autres produits, comme le coton ou le rhodium, ont vu leur prix s'envoler de façon spectaculaire.

Gilbert Rullière

Industrie

Pratiquement stagnante pendant quatre ans (de 1980 à 1984), la production industrielle française avait effectué une petite remontée en 1985. Mais le vrai décollage n'intervint qu'en 1988, avec une hausse de la production de 54 % en volume par rapport à 1987. En 1989, l'industrie française confirmait sa reprise, mais avec un léger tassement (44,7 %).

En 1990, le schéma de croissance est resté globalement voisin de celui des deux années précédentes, avec cependant un petit ralentissement de la production industrielle consécutif à la crise du Golfe. Toutes les branches industrielles ont participé à cet essor. La production intermédiaire et d'équipement professionnel, en particulier, s'est accrue de plus de 5 %, celle des transports terrestres et des biens d'équipement ménager de 4,5 %. La branche des biens de consommation enregistre des résultats plus modestes (+ 3,9 %, mais elle avait stagné en 1986-1987). Au sein de ces branches, quatre secteurs ont littéralement explosé depuis 1988 : la mécanique et la parachimie-pharmacie (avec une expansion supérieure ou égale à 7 %), la sidérurgie (+ 8,6 %) et l'imprimerie-presse-édition (+ 9,7 %).

L'industrie française n'a toujours pas comblé le retard accumulé depuis 1980 sur les autres pays européens. À l'exception de la Grande-Bretagne, ceux-ci connaissent aussi une croissance soutenue de leur production industrielle. Sur une base 100 en 1980, la production industrielle en volume a atteint l'an dernier l'indice 111 en France, contre 115 en Italie, 116 en Allemagne fédérale, 119 en Grande-Bretagne et 120 en Espagne, la moyenne de la Communauté des Douze étant de 117. Par ailleurs, le poids de l'industrie a décru dans le produit national français, passant de 28 % en 1979 à 21 % en 1989.

Ces moindres performances de l'industrie française expliquent en grande partie la dégradation des échanges industriels avec l'étranger. Le solde industriel, qui avait commencé à évoluer à la baisse en 1984 et qui, pour la première fois depuis 1969, était devenu négatif en 1987, s'est constamment aggravé depuis, pour atteindre 56,5 milliards de francs en 1989, et un chiffre sensiblement équivalent en 1990.