La chute de la Bourse (l'indice Nikkei a perdu plus de 45 % de sa valeur au cours des dix premiers mois de 1990) a été durement ressentie par les maisons de titres, qui ont enregistré la plus spectaculaire baisse de leurs profits depuis 1974. Les résultats des 46 plus puissantes sociétés de titres présentent une baisse moyenne de leurs revenus sur les commissions sur actions de 26 %, et des pertes colossales sur les transactions.

Afin de juguler les risques d'inflation et de remettre un peu d'ordre dans les marchés, boursier d'abord, foncier ensuite, la Banque du Japon a procédé à une succession de relèvements des taux d'intérêt portés par paliers de 2,5 à 6 % en dix-huit mois. Parallèlement, les autorités monétaires ont mis en place une politique de restriction du crédit afin de dissuader les établissements financiers de consentir des prêts inconsidérés à l'immobilier.

L'inflation − contenue (de l'ordre de 2 à 3 %) − est néanmoins la hantise de la Banque centrale depuis 1987. Le manque de main-d'œuvre, une forte demande pour les produits intermédiaires et les risques d'inflation importée, due à la hausse des prix du pétrole, ont été perçus par les autorités comme les signes précurseurs d'une hausse des prix de détail auxquels il convenait de remédier. Les autorités monétaires étaient surtout préoccupées par « l'inflation des actifs » (c'est-à-dire la spéculation boursière et foncière), de nombreuses opérations financières ou immobilières étant effectuées avec la garantie d'actifs dont la hausse est ainsi autoentretenue.

La progression des investissements

Plusieurs facteurs se sont conjugués pour contribuer au succès de l'économie nippone au cours de 1990 : le maintien d'une demande interne soutenue, allié à une utilisation intensive des capacités de production et à l'abondance de liquidités dont disposaient les entreprises (résultats dus essentiellement à l'accumulation de profits et de capitaux levés sur les marchés, en particulier boursiers). Depuis le début de l'année précédente, les investissements privés ont pris le relais des exportations pour stimuler la croissance. En 1989, les dépenses en investissements des entreprises avaient enregistré la plus forte progression en vingt ans. La triple baisse des actions, des obligations et du yen n'a pas pesé sur le niveau des investissements, favorisés par les abondantes liquidités dont disposaient les entreprises.

Une enquête de la Banque du Japon montre par exemple que les entreprises ont augmenté en moyenne de 16 % leurs investissements en équipements entre les exercices fiscaux 1989 et 1990 et que la vigueur de cet effort est presque aussi prononcée dans le secteur non manufacturier. Deux facteurs poussaient les entrepreneurs à investir : la robotisation, indispensable pour lutter contre la pénurie de main-d'œuvre et la hausse des salaires qui en résulte, ainsi que le financement des recherches afin de mettre sur le marché des produits à valeur ajoutée toujours plus forte.

Si l'on doit s'attendre en 1991 à un tassement des dépenses en investissements, dû essentiellement à la hausse des taux d'intérêt et à la chute du marché boursier, leur croissance devrait néanmoins se poursuivre à un rythme de 5 à 8 %. Si le renchérissement du coût de l'argent a été en général bien supporté par les entreprises en raison de l'accumulation des liquidités, il ne s'en fait pas moins très durement sentir pour les PME, beaucoup plus dépendantes de l'emprunt pour financer leurs investissements. Conjugué à la hausse des coûts salariaux entraînée par la pénurie de main-d'œuvre − l'augmentation marquée des propositions d'embauché est révélatrice des tensions sur le marché de l'emploi et le taux de chômage officiel est de l'ordre de 2,2 % −, ce renchérissement de l'argent devrait atténuer la frénésie d'investissements qui a caractérisé l'économie nippone ces dernières années.

Les dépenses en investissements publics, qui devraient progresser significativement à la suite des pressions américaines, contribueront cependant à soutenir la croissance. Pour l'année 1990, ces investissements auront augmenté de 180 milliards de dollars et, au cours de la décennie qui s'ouvre, ils se chiffreront à 2 900 milliards de dollars, à près du double du montant des travaux publics réalisés au cours des années 1980. En d'autres termes, les investissements publics progresseront deux fois plus vite que le produit national brut (PNB), quelle que soit la situation conjoncturelle ; mais cet engagement pris par Tokyo à l'égard de Washington d'augmenter les travaux publics va à l'encontre de la doctrine du ministère des Finances visant à réduire le déficit budgétaire (9 % du PNB).