Journal de l'année Édition 1990 1990Éd. 1990

La discussion de ce point fut longue et âpre, car les opinions étaient très divergentes. Le RPR pensait que le principe de la responsabilité des personnes morales rendait flous les fondements mêmes de la responsabilité pénale, y compris celle des personnes physiques. Le PCF trouvait le principe nouveau excellent, mais voulait qu'il fût réservé aux sociétés commerciales et épargnât les partis politiques, associations, syndicats, institutions représentatives du personnel. Le PS, unanime derrière la Commission de révision, voulait que la règle nouvelle fût aussi large que possible. Les associations patronales n'y voyaient pas d'inconvénients, à condition que la condamnation pénale de la personne morale interdise que l'on recherche cumulativement la responsabilité de ses dirigeants, personnes physiques. Le Sénat admit le principe en l'enfermant dans les limites que proposaient à la fois le PCF et les employeurs, mais l'assemblée suivit la thèse du PS en ajoutant que les dirigeants de la personne morale pourraient être condamnés en même temps qu'elle, à condition d'avoir commis « une faute personnelle ».

Le principe ayant été énoncé, il fallait encore inventer des peines adéquates. Ce furent la dissolution, pour les cas très graves, diverses interdictions, qui réduisent la capacité de la personne morale ou l'empêchent d'exercer l'activité pour laquelle elle a été fondée, et enfin l'amende, dont l'Assemblée nationale a voulu qu'elle fût du décuple de celle encourue par un particulier.

Les règles ainsi énoncées ne s'appliqueront pas de plein droit chaque fois qu'une personne morale pourra être impliquée dans une infraction quelconque : il faudra encore que, dans les parties spéciales du Code, qui restent à voter, on trouve une disposition expresse en ce sens, qui impute aux personnes morales telle ou telle infraction.

En dehors de cette importante affaire des personnes morales, les dispositions examinées cette année contiennent peu de nouveautés. Il convient de retenir que la période de sûreté n'a pas été supprimée, mais qu'elle est toujours facultative pour les cours et tribunaux, alors qu'aujourd'hui elle s'applique encore de plein droit à certains criminels odieux. L'Assemblée a rejeté une proposition qui instituait une peine « inexorable » en remplacement de la peine de mort abolie depuis 1981.

Des débats assez confus ont eu lieu autour des « peines de substitution », mesures que le juge peut prononcer à la place de l'emprisonnement, et qui existent déjà dans notre Code actuel. Ce sont, par exemple, l'annulation ou la suspension du permis de conduire, la confiscation ou l'immobilisation d'un véhicule... Certains députés ont fait valoir que l'immense faculté d'individualisation ainsi laissée au juge contenait un risque d'arbitraire, et proposèrent en conséquence que ces diverses sanctions soient insérées dans la liste des peines normalement encourues au même titre que l'emprisonnement. On pourrait, par exemple, punir la diffamation par la suspension du permis de conduire et l'escroquerie par un travail d'intérêt général. Le rapporteur du projet de Code admit la pertinence de la critique et de l'observation, mais fit repousser les amendements de l'opposition pour se donner le temps de réfléchir jusqu'au prochain examen du texte, en deuxième lecture.

En un mot, le nouveau Code est loin d'être prêt.

Jacques-Henri Robert