Acceptée par les syndicats, cette formule des primes s'est toutefois heurtée à une assez vive opposition, lorsqu'il s'est agi de l'appliquer lors de la rentrée universitaire. Certains sont hostiles à son principe même ; d'autres craignent que le nombre de ses bénéficiaires ne soit en réalité très limité. Mais le ministère a donné l'assurance que, dans les quatre ans à venir, tous les universitaires qui en ont fait la demande (soit 18 000 sur 35 000 environ) obtiendront satisfaction.

Le fond du débat qui oppose le corps enseignant et le gouvernement sur cette question de la revalorisation porte évidemment sur l'ampleur de l'enveloppe financière consacrée à ce dossier. Fixée au départ à 10 milliards de francs sur cinq ans, elle atteint finalement 11,6 milliards, le Premier ministre estimant qu'aller au-delà reviendrait à remettre en cause les grands équilibres budgétaires. Toutefois, le gouvernement a pris des engagements au cours des négociations, annonçant qu'un effort supplémentaire de 6,2 milliards serait consenti pour la période 1994-1998, ce qui porte à 18 milliards la somme qui sera consacrée à la revalorisation dans les dix prochaines années.

Un programme ambitieux

La vivacité des affrontements entre le gouvernement et les enseignants sur la question de la revalorisation a des répercussions sur l'autre débat souhaité par Lionel Jospin sur la rénovation de l'école. Alors que les deux questions avaient été abordées simultanément au cours des deux tables rondes qui avaient réuni les 17 et 18 janvier l'ensemble des partenaires du monde éducatif, le ministre avait été contraint de mettre la seconde entre parenthèses, tant que les passions provoquées par la première ne se seraient pas apaisées.

Mais, dès le mois de mars, il se remet à l'ouvrage. Le 10 avril, il présente à la presse le projet de loi qui est soumis au Parlement à la session de printemps et qui est adopté début juillet. Par son ampleur même et sa complexité, ce second sujet provoque beaucoup moins de réactions que le précédent. Il est vrai que Lionel Jospin s'est efforcé de le vider de tout ce qui était susceptible de révéler les clivages politiques ou corporatistes. C'est ainsi, par exemple, qu'il s'est abstenu de faire figurer dans la loi un sujet particulièrement sensible – celui de la réforme et de l'allégement des programmes – qu'il désirait pourtant aborder, et qui sera traité selon une autre procédure.

En fait, la portée même du débat législatif a paru d'emblée limitée à partir du moment où le président de la République a fait connaître son opposition à la formule d'une « loi-programme ». Souhaitée notamment par la FEN et par Lionel Jospin, celle-ci a été jugée trop contraignante par le chef de l'État. Le gouvernement ayant opté pour une « loi d'orientation », il devenait clair que la discussion se limiterait à l'affirmation de principes généraux, sans modification profonde des structures de l'Éducation nationale.

Le texte législatif voté par le Parlement se présente donc à la fois comme un document de référence tendant à donner une portée solennelle aux grandes orientations gouvernementales, et une série de mesures ponctuelles représentant, pour le ministre, les conditions nécessaires à leur application. Donner à tous les jeunes Français une formation sanctionnée par un diplôme et conduire, d'ici dix ans, 80 % d'une classe d'âge au niveau du baccalauréat, tel est l'objectif fixé par la loi d'orientation. Un programme ambitieux, si l'on songe qu'actuellement 40 % des jeunes Français seulement parviennent au bac et que 100 000 d'entre eux sortent chaque année de l'école sans aucun diplôme. C'est pourquoi les mesures prévues par la loi visent à la fois à faciliter l'intégration des jeunes dans le système de formation et à lutter contre l'échec scolaire.

Un aménagement nécessaire

Parmi les premières, on retiendra des dispositions ayant pour but de tenir davantage compte des motivations et des intérêts des élèves, notamment dans l'orientation scolaire, dans la gestion des établissements (avec la création d'un conseil des délégués des élèves), dans la reconnaissance d'un droit aux études et dans l'organisation des rythmes scolaires.