Broderies « cabochons », écussons de pierreries, boutons-bijoux, ganses de passementerie parsemées de strass de couleurs avaient lancé leurs éclats sous les projecteurs de l'actualité. En ces ultimes mois des années 80, les perles s'enfilaient en de jolies étoffes, s'alanguissaient sur de grands décolletés. Elles nacraient encore les visages de leurs doux reflets ; elles se pavanaient insolemment autour des tailles.

Signes extérieurs de richesse, le noir valsait, le rouge créait le choc, prenant de subtils coups de soleil, le mordoré et le bronze sortaient de l'ombre. La mode retrouvait sa gaieté. Chaque robe devenait une fête.

Les accessoires fantaisie pesaient de leur poids de sequins, dorures et pampilles. Volutes et arabesques imprimaient leurs courbes aux mouvements de cols et décolletés, venant en contrepoint d'une ligne qui dessinait le corps, pinçait la taille, galbait les hanches et découvrait les jambes.

Qui disait baroque disait aussi orientalisme, valeur montante de l'art du xixe siècle, à la hausse dans les ventes aux enchères. La manière orientaliste inspirait les créateurs en leur offrant des rêves aux multiples splendeurs. Byzance ou Delhi, les sortilèges de l'Orient influençaient les mélanges de tissus, les métissages d'allures, les panachages de genres.

Les effets drapés, les étoffes nouées, les jeux d'écharpes, c'est d'ailleurs que venaient les nouveaux points d'ancrage des vêtements. Un vent de mousson soufflait aussi sur la mode. Tous les yeux se tournaient vers les ors et les pourpres de l'Inde. En s'imprégnant de coutumes et de cultures, la mode perdait de son uniformité et devenait plus universelle. On pouvait y voir la fraternité des peuples.

Les pantalons évoquaient les tenues de Gandhi, les vestes, celles de Nehru. Les tons avaient les couleurs des épices des comptoirs de l'Inde, les châles étaient appelés « Indiennes ». Les jupes imitaient les saris avec leurs asymétries ; les turbans de Jean-Paul Gaultier s'empruntaient aux sultans et les mousselines ressemblaient aux robes d'odalisques. On avait déjà vu cela au temps de Poiret vers 1910, puis dans les années 70. En accrochant ainsi les regards, la mode se montrait douée pour le spectacle et se révélait témoin d'une époque.

Venu après une forte tendance « minimaliste » qui marqua le début de la décennie 80, ce goût de l'exagération, symbole du baroque, se déclinait de la tête aux pieds. Chapeaux enturbannés, chaussures chamarrées, collants, sacs et gants brodés enrichissaient à leur tour la note orientale. Les bijoux vrais et faux avaient été les premiers objets, il est vrai, de la démesure, avec des pierres d'importance et des volumes de taille. Mais pour combien de temps encore une telle opulence, un tel faste de l'apparence ?

Laurence Beurdeley