Trois films, proches de ce genre de crise existentielle : Nocturne indien, d'Alain Corneau (France), le Cuisinier, le voleur, sa femme et son amant, de Peter Greenaway (Grande-Bretagne), et Mes nuits sont plus belles que vos jours, d'Andrzej Zulawski (France), la transcendent par des options formelles d'une rare exigence. Corneau adapte, d'une manière « distante », bressonnienne, le texte homonyme d'Antonio Tabucchi. Greenaway, lui, dresse un bilan corrosif de la putréfaction des sociétés de consommation actuelles, en pleine décadence. Ni métaphore surréaliste ni fantastique baroque, Mes nuits sont plus belles que vos jours désarçonne les spectateurs, car la licence esthétique, la liberté narrative ne sont pas encore admises pour le 7e art comme c'est le cas en peinture ou en poésie depuis des décennies.

Enfin, les questions sociales et politiques préoccupent surtout ceux qui sont encore victimes d'injustices : les représentants des minorités ethniques. Deux cinéastes noirs, l'Américain Spike Lee (Do the Right Thing) et la Martiniquaise Euzhan Palcy (Une saison blanche et sèche), abordent le racisme de manière différente. Do the Right Thing se passe dans un quartier de Brooklyn (New York) durant une journée. L'entente fragile entre communautés semble avoir trouvé un point d'équilibre. Sal, le patron italo-américain de la pizzeria, est apprécié de ses voisins noirs. Mais un incident dégénère rapidement. La police arrive, il y a un mort. La pizzeria est saccagée. Spike Lee montre que, dans une société qui n'a pas encore résolu ses contradictions, tout peut arriver.

Euzhan Palcy s'est battue pendant des années pour trouver des capitaux lui permettant d'adapter le roman d'André Brink sur l'apartheid. Une compagnie américaine tenta l'aventure et Marlon Brando accepta d'y tenir un petit rôle. Une saison blanche et sèche sensibilise, bien sûr, le spectateur à la situation des gens de couleur en Afrique du Sud. Mais Euzhan Palcy a été contrainte d'offrir la vedette au Canadien Donald Sutherland, un acteur blanc connu, afin d'obtenir le maximum d'audience auprès du public occidental qui a du mal à s'identifier aux héros noirs.

Raphaël Bassan

Photographie

Cette année a été particulièrement faste pour la photographie. Sa consécration officielle a coïncidé avec son 150e anniversaire et des manifestations de plus en plus riches ont été proposées par les institutions, à Paris comme en province.

Si les galeries privées connaissent aujourd'hui bien des problèmes, tout comme l'édition qui n'a pas su fidéliser son public, celui-ci accourt désormais aux expositions. À Marseille, il a pu visiter une vaste rétrospective de John Coplans (août-sept.). À Paris, au palais de Tokyo, la Mission du patrimoine photographique a présenté successivement et avec succès Visions du sport (mars-avr.), la Riviera, de Charles Nègre (juin-août), et l'œuvre de François Kollar (nov. 1989-févr. 1990), tandis que Jacques-Henri Lartigue triomphait au Grand Palais avec ses Envols (août-déc.). Au CNP, il faut surtout signaler la rétrospective du plasticien allemand Dieter Appelt (avr.-juin) et celle du provocateur mystique Joël-Peter Witkin (oct.-nov.). L'Espace photographique de Paris a accueilli l'illusionniste Charles Matton (mars-avr.), la mode de Franck Horvat (avr.-juill.) et le récit intimiste de Denis Roche (oct.-déc.). À Nice, le premier Mois de la photo a connu un réel succès (sept.), tout comme la première Biennale du reportage à Perpignan (sept.), alors que les Rencontres internationales d'Arles fêtaient leurs vingt ans (juill.-sept.).

Mais l'événement majeur reste le 150e anniversaire de la photographie, dont les trois coups ont été officiellement frappés par le ministre de la Culture, Jack Lang, le jeudi 1er juin. Il a été fêté avec faste, dans des lieux différents et de manière complémentaire, par cinq institutions qui ont toutes traité un thème précis.

Enfin, pour clore cette année d'anniversaires, l'agence Magnum, fondée notamment par Cartier-Bresson, a célébré ses 40 ans par un livre, trois films et une gigantesque exposition (nov. 1989-févr. 1990).