Journal de l'année Édition 1990 1990Éd. 1990

Point de l'actualité

L'exploration spatiale

L'exploration du système solaire connaît en 1989 une reprise spectaculaire et l'événement prend une valeur particulière en cette année du vingtième anniversaire du premier débarquement de l'homme sur la Lune.

Le merveilleux travail des sondes...

L'année, pourtant, commence mal avec l'interruption prématurée de la mission Phobos. En juillet 1988, les Soviétiques avaient lancé deux sondes Phobos, destinées principalement à étudier le satellite martien du même nom et accessoirement la planète Mars elle-même et son environnement, ainsi que le Soleil et le milieu interplanétaire. Ces sondes devaient, en particulier, s'approcher à une cinquantaine de mètres seulement de Phobos pour l'étudier, le photographier en gros plan et déposer deux modules à sa surface, l'un devant s'ancrer au sol et l'autre effectuer une dizaine de bonds, à la manière d'une sauterelle, afin d'explorer des sites différents. Mais, dès le 2 septembre, Phobos 1 tombait en panne à la suite d'une erreur de télécommande. Et, le 27 mars 1989, c'est avec Phobos 2 que le contact était perdu, en raison d'une défaillance du calculateur de bord de la sonde, alors que cette dernière se trouvait en orbite martienne. Pour les spécialistes, la déception est grande, même si des images rapprochées de Mars et de Phobos ainsi que de nombreux spectres infrarouges ont pu être obtenus.

Frustrés par les sondes Phobos, les planétologues sont, en revanche, comblés par Voyager 2, qui effectue, fin août, un extraordinaire survol de Neptune, la planète actuellement la plus lointaine, et de son gros satellite Triton. Au terme d'un voyage interplanétaire de 12 ans et de plus de 7 milliards de kilomètres, la sonde aura ainsi fourni une moisson inestimable de données et d'images sur les quatre plus grosses planètes du système solaire – Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune – et leur environnement. Pour un coût de 865 millions de dollars, répartis sur 17 années budgétaires, soit environ 1 F par an et par citoyen américain...

Depuis le lancement des sondes Voyager en 1977, aucun autre vaisseau automatique d'exploration du système solaire n'avait été envoyé dans l'espace par les États-Unis. Cette longue interruption prend heureusement fin le 5 mai, avec le lancement vers Vénus, par la navette Atlantis, de la sonde Magellan. Celle-ci aura pour mission, après son arrivée au voisinage de la planète, en août 1990, d'en cartographier la surface au radar, depuis une orbite polaire, avec une résolution partout meilleure que le kilomètre et de l'ordre de cent mètres seulement au voisinage de l'équateur. On attend de cette imagerie radar une foule d'informations sur les caractéristiques morphologiques de la surface vénusienne et sur trois points essentiels aujourd'hui très controversés : la présence de volcans actifs, l'âge du sol et l'existence d'une certaine forme de tectonique des plaques. Le 19 octobre, une nouvelle sonde spatiale est lancée avec succès par Atlantis : il s'agit cette fois de Galileo, un engin destiné à survoler d'abord Vénus (dès février 1990), puis, grâce à une subtile série de réactions de gravitation, à mettre le cap sur Jupiter pour, finalement, en décembre 1995, se satelliser autour de la planète géante et larguer un compartiment de mesure dans son atmosphère.

... et des navettes

En matière de vols habités, l'année est marquée, du côté américain, par cinq vols de navettes spatiales, qui portent à 32 le nombre total de vols effectués à l'aide de ce système de transport, depuis sa mise en service en 1981, et à 61 le nombre d'équipages d'astronautes lancés par les États-Unis depuis le début de l'ère spatiale.

Deux de ces missions, effectuées pour le compte du Pentagone, en août et en novembre, se déroulent avec une certaine discrétion. Leur charge utile reste secrète. Il s'agit vraisemblablement, dans le premier cas, d'un satellite d'observation militaire du type KH-12 (pour Key Hole, trou de serrure), dont le très haut pouvoir de résolution se double d'une aptitude à transmettre au sol des images en temps réel, et, dans le second, d'un satellite militaire d'écoute électronique Magnum. Les trois missions civiles autorisent le lancement des deux sondes d'exploration planétaire Magellan et Galileo déjà citées et la mise en orbite autour de la Terre d'un nouveau satellite : en mars, un satellite relais de télécommunications TDRS, qui, avec les deux autres engins de la même famille déjà en poste, permettra d'établir des liaisons directes entre les centres spatiaux de la NASA et les vaisseaux américains pendant plus de 85 % de leur rotation autour de la Terre.

Aléas soviétiques

Du côté soviétique, les trois membres de l'équipage de maintenance de la station Mir – Valéry Poliakov, installé à bord depuis la fin août 1988, et ses compatriotes Alexandre Volkov et Serguei Krikalev, qui l'avaient rejoint le 26 novembre 1988 – regagnent la Terre le 27 avril à bord du vaisseau Soïouz TM-7 sans être remplacés. Cette mise en sommeil de la station orbitale soviétique surprend. Elle s'explique à la fois par des raisons techniques (retard dans la mise au point d'un nouveau module orbital) et financières (coût d'exploitation élevé). Ce n'est que le 8 septembre qu'un nouvel équipage, constitué de deux vétérans, Alexandre Viktorenko et Alexandre Serebrov, réoccupe la station. L'amarrage de leur vaisseau Soïouz TM-8 au complexe orbital se révèle difficile. Une panne dans le système de guidage automatique fait osciller le vaisseau alors qu'il se trouve à proximité immédiate de son objectif. L'équipage prend les commandes et réalise une jonction manuelle. Différé à trois reprises pour des raisons techniques et industrielles, le lancement vers Mir d'un second module spécialisé, dit module d'excursion ou module D (pour Doosnashchenyie, qui signifie élément additionnel), intervient finalement le 26 novembre, près de quatre ans après la mise en orbite de la station elle-même. Ce module est alors rebaptisé Kvant 2. D'une masse de 23,5 t au lancement et de 19,6 t en orbite, ce cylindre de 14 m de long pour 4 m de diamètre maximal offrira à l'équipage de Mir un volume habitable supplémentaire de 61,9 m3, portant ainsi le volume utile de la station à plus de 150 m3. Il apporte également des réserves d'ergol, d'eau, de vivres, ainsi que divers équipements scientifiques. Enfin, ses panneaux solaires accroîtront l'énergie disponible à bord. Prévu pour le 2 décembre, l'amarrage du module à la station n'a lieu finalement que le 6, en raison de deux pannes simultanées, l'une sur le module (dont l'un des panneaux solaires ne s'est pas déployé), l'autre à bord de la station. Les cosmonautes effectuent eux-mêmes les manœuvres d'orientation à la suite de la défaillance du système automatique. Amarré dans un premier temps à l'avant de Mir, le module est ensuite transféré latéralement, dans l'attente de la jonction symétrique d'un troisième module, dit T (technologique), attendu au début du printemps 1990.

Les dix ans d'Ariane

Sur le marché des lanceurs classiques, la fusée européenne Ariane, dont on fête le 10e anniversaire du premier vol le 24 décembre, confirme son succès. Sept lancements ont eu lieu en 1989, tous réussis, autorisant la mise en orbite de 10 satellites, dont Météosat 4, premier satellite météorologique opérationnel européen ; DFS-Kopernikus 1, premier satellite allemand de télécommunications ; Hipparcos, satellite d'astrométrie européen, et Intelsat VI-F2, premier exemplaire d'une nouvelle série de satellites de télécommunications de l'organisation Intelsat, le plus gros satellite civil de télécommunications jamais construit (4 215 kg au décollage). L'année s'achève alors que le carnet de commandes d'Arianespace s'élève à 32 satellites à lancer (14 européens, 6 américains, 2 canadiens, 2 indiens, 1 japonais et 7 pour le compte d'organismes internationaux de télécommunications), pour une valeur d'environ 13,7 milliards de francs.

On note, enfin, le 5 décembre, le lancement réussi, par l'Irak, d'une fusée triétage de 25 m de haut pesant 48 t et développant une poussée totale de 700 kN. L'Irak devient ainsi la neuvième puissance spatiale au monde à disposer d'un lanceur national.

Philippe de La Cotardière