Le défi mondial des technologies avancées

Par leurs effets sur la production et sur la consommation, les nouvelles technologies lancent aujourd'hui un défi mondial aux entreprises comme aux nations.
Celles qui veulent survivre devront le relever.

L'invasion, ces dernières années, de la vie quotidienne des individus, des ménages et des entreprises par les nouvelles technologies a créé une situation très particulière que l'économiste britannique Christopher Freeman a qualifiée de changement de paradigme techno-économique. La question essentielle est alors de savoir si l'innovation résultant de l'introduction d'une technologie différente de celles qui existent engendre une modification profonde des relations entre le système technique, l'économie et la société.

Les grandes technologies...

Dans le passé, seul un petit nombre de technologies a provoqué un tel changement. Christopher Freeman cite les cas exceptionnels de la machine à vapeur et de l'électricité, des sources d'énergie qui ont conduit non seulement à la création de nouvelles gammes de produits et de services, mais aussi au bouleversement des processus de production, des méthodes de gestion et des modes de consommation.

Les changements entraînés par ces technologies peuvent être alors analysés comme les éléments d'un jeu d'interactions complexes dans lequel le système économique et le système social sont impliqués dans leur ensemble. Plus concrètement, les consommateurs sont contraints d'adopter de nouvelles habitudes et les industriels d'organiser leur production sur d'autres bases.

Mais il s'agit bien d'exceptions : en effet, la plupart des autres technologies n'ont entraîné que l'augmentation du coefficient de productivité des facteurs de production – le capital et le travail – et celle des quantités mises à la disposition des consommateurs sans pour autant que les relations entre le système technique, le système économique et le système social s'en soient trouvées modifiées.

Ces technologies ont été qualifiées de « grandes », parce qu'elles ont donné naissance à des innovations qui ont suscité l'intensification de la production, tant agricole qu'industrielle, et contribué à l'avènement de la production à grande échelle de biens standardisés nécessaire pour répondre à l'accroissement de la demande et pour affronter l'ère de la consommation de masse qui s'annonçait.

Et les nouvelles technologies...

En revanche, les technologies de la seconde catégorie exercent des effets non seulement sur l'utilisation des facteurs de production et sur l'organisation de cette dernière, mais aussi sur l'économie et la société tout entières. Ce sont les technologies « nouvelles » ou « avancées » (ou high-tech).

Celles-ci provoquent une vague d'innovations qui affectent les activités tant privées que publiques. En conséquence, elles suscitent les initiatives des uns (par exemple, celles des producteurs) et les réactions des autres (par exemple, celles des consommateurs, amateurs de modernisme), réactions qui peuvent modifier en retour le comportement des producteurs. À un processus jusqu'alors linéaire vient se substituer un processus interactif où l'introduction d'une nouvelle technologie engendre des formes très différentes de progrès technique, de telle façon que les producteurs et les consommateurs trouvent dans leur diffusion les avantages qu'ils recherchent.

Au cours de la période « moderne », que l'on peut faire commencer en 1945, les « grandes » technologies n'ont guère engendré de mouvements comparables. Par exemple, malgré le caractère très innovateur de l'énergie nucléaire, qui a pu transformer fondamentalement le processus de production, celle-ci n'a pas eu de profondes répercussions sur l'économie ou sur la société.

Les « grandes » technologies qui ont été adoptées à cette époque, soit dans l'agriculture (motorisation, mécanisation, produits chimiques, génétique), soit dans l'industrie (télécommunications, chimie lourde, informatique), ont entraîné comme effets apparents une augmentation régulière et continue de la productivité des facteurs de production et de la dimension des entreprises.