Dans une moindre mesure, la CEE inquiète également, surtout depuis que le marché unique de 1993 est en préparation intense. Les Japonais et plus encore les Américains dénoncent les risques d'une Europe « forteresse », mieux protégée de l'extérieur, tandis que certains Européens craignent au contraire de voir s'installer une Europe « passoire ». C'est ce qui fait dire à Jacques Delors, président de la Commission européenne, que « l'Europe sera ouverte, mais pas offerte », c'est-à-dire qu'elle sera une Europe partenaire exigeant la réciprocité. Enfin, les clients des États-Unis sont unanimes à dénoncer leur protectionnisme croissant.

Quant aux accrochages ponctuels — c'est le second cas —, ils touchent quelques secteurs sensibles (agriculture, textile, sidérurgie, automobile, aéronautique et électronique). Comme pour le conflit de la viande aux hormones qui a opposé les États-Unis à la CEE au début de l'année, la méthode reste presque toujours la même. Elle consiste à mélanger harcèlements (accusations et menaces diverses), marchandages (sanctions, ripostes, voire contre-représailles éventuelles) et compromis (négociations faites de conciliation et de concessions), toutes ces manœuvres constituant la « guerre commerciale ».

Les stratégies adoptées sont faites tantôt d'attitudes défensives, tantôt, au contraire, d'attitudes offensives, variables selon le rapport des forces en présence. Plus la dimension d'un pays est grande et plus son pouvoir de déclencher les hostilités ou de riposter est fort. Lors d'une confrontation entre deux pays d'un même poids économique, il y a de fortes chances qu'ils aboutissent à une coopération équitable après une période plus ou moins longue de négociations. Entre deux pays de taille différente, il est plus probable que le « grand » parviendra à imposer sa solution au détriment de son partenaire (c'est ce qui se passe généralement entre pays développés et pays sous-développés).

Dans cette guerre, il est également nécessaire de savoir jouer sur les divisions. Ainsi, dans le secteur automobile, les Américains (normes antipollution) et les Japonais (mésententes sur le contenu local) ont-ils pu tirer avantage des législations disparates en vigueur dans les différents États membres de la CEE. Le danger de tels comportements est l'engrenage et la contagion des mesures protectionnistes qui débouchent alors sur la guerre commerciale « ouverte ».

Le protectionnisme américain

Non seulement les États-Unis subissent une baisse relative de leurs exportations, qui leur a fait perdre leur place de premier exportateur mondial au profit de la RFA en 1986, mais ils sont également confrontés à l'accélération croissante de leurs importations. Dans ce dernier domaine, ils distancent largement l'ensemble de leurs concurrents en réalisant près de 18 % des achats effectués dans le monde.

Le pays connaît donc un déficit commercial d'une ampleur sans précédent (de 25 à 114 milliards de dollars entre 1980 et 1989), d'autant plus grave qu'il est contracté pour les deux tiers à l'égard des pays asiatiques (et du Japon pour la moitié) et qu'il concerne essentiellement les produits manufacturés avec un solde industriel déficitaire depuis 1982.

Négligeant les causes internes de ce déficit, les Américains se sont lancés dans une offensive protectionniste sans précédent, tout en continuant à se déclarer les ardents défenseurs du libre-échange et en accusant les autres de pratiques commerciales déloyales. Après avoir tenté de mener une guerre monétaire en orchestrant une baisse du dollar de 30 à 40 % entre février 1985 et décembre 1987, ils ont accentué la guerre commerciale en utilisant toute la panoplie classique des mesures protectionnistes. Ainsi, les États-Unis auraient augmenté de 23 % leurs protections non tarifaires depuis le début de la décennie.

Pour obtenir des ouvertures significatives dans les secteurs où leurs intérêts sont primordiaux, ils sont parvenus à faire fléchir leurs partenaires sous la menace de sanctions diverses. Plus que quiconque, ils préfèrent négocier de façon bilatérale. Enfin, dernière étape, sous la pression du Congrès, l'Administration Reagan a signé, le 23 août 1988, le « Trade Bill », ou loi générale sur le commerce et la compétitivité (un texte de plus de 1 000 pages), qui marque incontestablement un durcissement puisqu'il représente un vaste programme protectionniste couvrant pratiquement tous les aspects de la politique commerciale américaine.