Avec cette exacerbation des rivalités, l'année a été marquée par la mondialisation : à travers l'action de plusieurs facteurs, il se crée progressivement un marché unique à l'échelle de la planète tout entière. En premier lieu, afin d'abaisser les coûts, la standardisation et l'automatisation de la production sont de plus en plus poussées. En second lieu, pour répondre à la demande des consommateurs, les marchés ont été segmentés avec une multiplication et un renouvellement très fréquent des modèles. Enfin, pour se conformer aux réglementations normatives (lutte contre la pollution ou le bruit), mais aussi pour prendre une plus grande part du marché, les constructeurs mettent de plus en plus fréquemment en œuvre des innovations technologiques (comme l'informatique) qui fragilisent les constructeurs au potentiel technologique plus faible.

Pour résister à la concurrence américano-japonaise, les constructeurs européens se sont engagés dans la voie d'accords de coopération, surtout en matière de technologie.

Gilbert Rullière

Industrie aéronautique

Pour les grands constructeurs aéronautiques, 1988 avait été l'année de tous les records. Pour les seuls « gros avions » (c'est-à-dire en écartant les « commuters », ou avions de transport régional), le total des commandes adressées aux trois principales sociétés (Boeing, Airbus et McDonnell-Douglas, par ordre d'importance) atteignait 934 appareils. Dès les premiers mois de 1989, ce record a été très rapidement battu. Ainsi, pour le seul mois d'avril, Boeing a dû promettre quelque 412 avions et Airbus 126. Par la suite, les carnets de commandes n'ont pas cessé de se gonfler. Par exemple, alors que le consortium européen Airbus fêtait la sortie de son 500e avion au moment du Salon aéronautique du Bourget, il en avait à peu près autant à livrer et Boeing a connu le même succès.

Plusieurs facteurs se sont conjugués pour expliquer ce retournement de tendance. Au premier rang figure la croissance du trafic (10 % en 1987, entre 7 % et 9 % en 1988) qui s'accélère malgré le ralentissement américain, largement compensé, il est vrai, par la progression européenne et surtout asiatique (15 % à 20 %). En second lieu, la nécessité de renouveler une flotte vieillissante (15 ans d'âge moyen pour TWA contre 4 ans pour Singapore Airlines), coûteuse en kérosène, en maintenance et en entretien, exposée aux avaries et aux accidents, a fait naître une vague d'achats sans précédent. En troisième lieu, les bénéfices impressionnants réalisés par les transporteurs ont convaincu les banques d'avancer une partie des fonds nécessaires. Enfin, dans l'impossibilité de couvrir toutes les dépenses d'achats, les grandes compagnies aériennes ont été amenées à recourir au leasing, si bien que, à leur tour, les loueurs d'avions (comme GPA ou ILFC) n'ont pas hésité à commander des avions neufs.

Gilbert Rullière

Transports

Alors que la marine marchande vient de sortir d'un marasme de 10 ans (1979-1988), les transports aériens souffrent paradoxalement d'une crise de croissance due à l'essor extraordinaire du trafic.

La reprise du trafic maritime mondial, avec une hausse de 6 % en 1988, s'est poursuivie en 1989. Pour une large part, cette progression a été imputable à une expansion vigoureuse des échanges mondiaux. Les produits énergétiques et en vrac ont également bénéficié de cette reprise. Aussi la croissance sensible de la demande de tonnage a-t-elle entraîné une forte hausse du prix du transport : pour le vrac et les liquides, ils ont presque triplé depuis deux ans. Enfin, les taux de location et surtout les prix des bateaux ont grimpé de plus de 25 % pour les bateaux neufs, de 200 à 300 % pour ceux d'occasion disponibles.

C'est la croissance même du trafic aérien mondial qui est source de difficultés. Depuis 1982, sa progression annuelle moyenne atteint 6,1 % (mesurée en passagers-kilomètres transportés). Ce chiffre est supérieur à la croissance du produit naturel (2,9 % pour les pays de l'OCDE de 1982 à 1988). Pour la même période, aux États-Unis (près de 50 % du trafic mondial), la croissance annuelle moyenne a été de 7,2 % (contre 2,9 % pour la croissance économique). Cette évolution tient surtout à l'amélioration du taux de remplissage des avions due à la chute des tarifs, elle-même rendue possible par la déréglementation (mise en application aux États-Unis), par les gains de productivité et l'action de la concurrence, par la multiplication des voyages touristiques, effectués principalement par des personnes retraitées qui partent en dehors des hautes saisons et bénéficient ainsi de tarifs préférentiels. Cet essor du trafic aérien a entraîné une saturation des aéroports et un vieillissement accéléré des appareils, sans oublier, à terme, le risque de pénurie de pilotes.

Gilbert Rullière