Avec le découplage (ou la déconnection) de l'économie et de la finance et si certains facteurs (économiques, psychologiques ou autres) font sentir leur action, l'économie financière se développe en vase clos, de façon autonome, c'est-à-dire indépendamment des données fondamentales de l'économie. Pour autant que, entre autres facteurs, les opérateurs anticipent et jouent à la hausse, le développement de l'économie financière prend la forme d'une « bulle spéculative ». Deux questions se posent alors : d'une part, quels facteurs ont conduit au gonflement de la bulle financière, étant entendu qu'il présente nécessairement un caractère spéculatif ? D'autre part, le krach boursier ne résulte-t-il pas de l'éclatement de cette même bulle ?

Le gonflement de la bulle financière

En quelques années, un certain nombre de changements d'ordre technique ou institutionnel, introduits sur les principales places financières internationales, ont modifié non seulement le fonctionnement des marchés financiers mais aussi le comportement des dirigeants (ou plus exactement des responsables financiers) des entreprises.

Trois sortes de changements ont été recensés sous les noms de globalisation (ou unification), de libéralisation des marchés et de banalisation des produits. Ils sont à l'origine de la révolution financière.

Par le terme de globalisation, il faut comprendre le fait qu'un produit financier (c'est-à-dire un titre de prêt, une action, une option à terme, etc.) perd son identité nationale (il ne peut être acheté ou vendu que dans le cadre national) à partir du moment où il est coté sur un marché officiel ou de gré à gré sur l'ensemble des fuseaux horaires de la planète. Une telle globalisation suppose que deux conditions soient remplies.

D'une part, aucun obstacle, notamment d'ordre réglementaire, ne doit s'opposer au transfert ou à la circulation du produit en question d'une place à une autre. La libéralisation (ou déréglementation) a permis dans bien des cas d'effacer ces barrières réglementaires. Dans la réalité, quand les autorités publiques modifiaient les règles institutionnelles, elles ratifiaient un état de fait. En effet, depuis longtemps, les acteurs privés (banques internationales, entreprises multinationales, investisseurs institutionnels) ont imaginé et mis en place des procédures ou créé des marchés spécifiques (comme l'Euromarché) leur permettant de tourner les réglementations restrictives et de favoriser ainsi la libre circulation des capitaux à travers le monde ; ainsi, l'intégration des circuits financiers et monétaires au plan mondial a été obtenue de façon très pragmatique. Le résultat ne s'est pas fait attendre : les capitaux disponibles d'une entreprise trouvaient facilement à se placer et à se déplacer d'un pays à l'autre. En outre, ces créations empiriques ont donné du poids et du pouvoir à ces acteurs liés entre eux par une psychologie collective ; leurs décisions peuvent influer de façon déterminante sur l'évolution des marchés financiers (par exemple sur la tenue du cours des actions).

La seconde condition tient au fait que le produit financier que l'on veut acheter n'est pas facilement connu de tous les opérateurs en raison de l'éloignement dans l'espace et du décalage horaire. Il convient donc de disposer de techniques permettant d'effacer au maximum le facteur temps. Grâce aux progrès de l'informatique et des télécommunications, l'information sur le produit financier est plus facilement mobilisable.

Les techniques développées pour permettre une connaissance à la fois rapide et efficace de l'information s'appuient pour l'essentiel sur des systèmes de transmission très performants. Des réseaux électroniques ont été créés dans ce but. Le réseau SWIFT (Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunications), utilisé par plus de 1 000 banques dans le monde, est le plus connu. Par ce réseau transitent quotidiennement des centaines de milliers de messages à caractère purement financier dans des conditions de grande rapidité et de non moins grande fiabilité (un message SWIFT expédié en France est reçu quelques minutes plus tard de l'autre côté de l'Atlantique). De surcroît, le format normalisé des messages transmis permet un traitement intégral de l'information émise ou reçue par les ordinateurs.