Laurent Leblond

Épargne

La stagnation du pouvoir d'achat, associée à une certaine inertie de la consommation, amène les Français à consacrer une part toujours plus faible de leur revenu à l'épargne, soit à peine 12,3 % en 1988 contre 18 % en 1975.

Le fameux « effet de richesse » – les ménages cherchent à compenser leur perte de patrimoine par un surcroît d'économies –, qui voudrait que le krach boursier d'octobre 1987 stimule l'épargne, ne s'est pas réalisé. En revanche, il a modifié en partie sa structure, car les ménages ont adopté cette année un comportement plus prudent. Si la plupart des porteurs – notamment les petits – n'ont pas cédé à la panique en se désengageant massivement de la Bourse, ils ont cependant orienté différemment leurs nouveaux placements. L'année 1988 a été marquée par un ralentissement de la progression des titres, une confirmation de la croissance des placements non négociables (livret A, épargne-logement), une percée du PER (plan d'épargne-retraite mis en service au début de l'année) et un intérêt croissant pour le logement et l'assurance-vie.

En vue du marché unique de 1993, deux rapports – l'un de M. Boiteux en février, l'autre de M. Lebègue en juin – ont démontré que, attirée par une fiscalité plus légère ou un contrôle fiscal moins rigoureux, l'épargne française risque de fuir à l'étranger, si une certaine harmonisation de la fiscalité de l'épargne en Europe ne précède pas la libération des mouvements de capitaux. Or, l'épargne nationale est indispensable à la reprise de l'investissement des entreprises, si l'on exclut un financement extérieur, comme un retour massif à la création monétaire. De 1983 à 1988, la baisse tendancielle du taux d'épargne des ménages a été compensée en France par une évolution positive en ce qui concerne les entreprises, grâce à l'amélioration de leur situation financière, si bien qu'au niveau national le taux reste à peu près stable depuis 1983 (20 % du PIB environ).

Dominique Colson

Investissement

L'année 1988 marque la reprise de l'investissement productif, qui augmente de 10 % en volume après avoir crû de 4,3 % en 1987.

Dans l'industrie, l'accélération est encore plus forte, avec une croissance de l'investissement de près de 15 %. En léger ralentissement, l'effort d'équipement dans les commerces, les services, le bâtiment et les travaux publics reste soutenu. Les secteurs industriels les plus dynamiques sont l'automobile, les industries agroalimentaires et en général les biens de consommation. Toutes les entreprises, petites ou grandes, sont concernées. Autre point favorable, celles d'entre elles qui profitent de l'amélioration de leur situation financière et des perspectives positives de demande, compte tenu d'une bonne conjoncture, n'investissent plus seulement pour augmenter leur productivité mais aussi pour étendre leur capacité de production. Ce changement de comportement reflète la confiance retrouvée des entrepreneurs.

Pour important qu'il soit, cet effort d'investissement reste encore insuffisant. Non seulement la France n'a pas retrouvé le niveau d'avant les chocs pétroliers, mais l'écart entre elle et ses partenaires reste large. Le retard de l'investissement en France ne porte pas seulement sur sa quantité mais aussi sur sa qualité : les dépenses en recherche-développement comme en formation – c'est-à-dire l'investissement immatériel – sont encore trop faibles. Cette situation est évidemment à l'origine des médiocres performances commerciales françaises à l'étranger, d'autant plus préjudiciables que déjà la relance de l'investissement, si nécessaire qu'elle soit, a tendance à creuser le déficit extérieur dans la mesure où le pays achète pour l'instant beaucoup de biens d'équipement à l'étranger.

Dans ces conditions, le gouvernement de Michel Rocard continue à favoriser les dépenses des entreprises, en particulier en tenant compte des bénéfices réinvestis pour alléger l'impôt sur les sociétés.

Dominique Colson

Banque

La levée de l'encadrement du crédit, qui ne date que de 1987, a eu encore davantage d'effets en 1988. Au surplus, l'accès direct des entreprises au marché monétaire (la désintermédiation) s'est considérablement développé depuis le 26 mars 1988. D'un excédent de la demande de prêts (par rapport à l'offre autorisée) on est passé à un excédent de l'offre.