Le 18 juillet, après un an, jour pour jour, d'atermoiements, l'Iran accepte officiellement et sans conditions la résolution 598 du Conseil de sécurité. Le 20 juillet, l'imam Khomeyni, la mort dans l'âme, approuve cette décision prise apparemment à son insu par M. Rafsandjani et qui, dit-il, lui est apparue « plus pénible que d'absorber du poison ». Il ajoute cependant que l'acceptation iranienne est irrévocable et sans réserve : « Notre but, déclare-t-il, n'est pas la poursuite de la guerre avec une nouvelle stratégie. »

Les réserves viendront désormais de Bagdad, qui accueille la décision de Téhéran avec la plus grande méfiance et un brin de regret. L'Iraq, qui avait accepté cette résolution en 1987, lorsqu'une partie importante de son territoire était occupée, est désormais militairement en meilleure posture et souhaite apparemment tirer profit de son avantage sur le terrain pour tenter de déstabiliser le régime islamique en plein désarroi. Les Iraquiens ont l'impression d'avoir été privés d'une victoire qui semblait à leur portée. Leur tentation est grande d'occuper certaines portions du territoire iranien, afin de négocier à partir d'une position de force et d'imposer leurs conditions à un adversaire affaibli. À l'opposé de Téhéran, qui s'affiche désormais en champion de la résolution 598, après l'avoir critiquée pendant un an, les Iraquiens, qui en exigeaient jusque-là la stricte application, veulent aller très vite au-delà de ses termes. À cet effet, ils multiplient les préalables et exigent notamment, avant même l'instauration du cessez-le-feu, des négociations directes à l'échelon ministériel, à New York et sous l'égide du secrétaire général, M. Javier Perez de Cuellar.

Les combats se prolongent donc à la frontière irano-iraquienne. Vers la fin de juillet, les troupes de Bagdad déclenchent une série d'offensives afin de récupérer les dernières positions encore tenues par les Iraniens. Sur leur lancée, ils n'hésitent pas à franchir la frontière internationale pour occuper certaines positions stratégiques en territoire iranien. Le 26 juillet, leur pression militaire prend une nouvelle forme, avec l'offensive de grande envergure lancée par les Moudjahidines du peuple, organisation politico-militaire de l'opposition iranienne, en direction de la grande ville iranienne de Kermanchah, à 250 kilomètres environ de la frontière internationale sur la route qui mène à Téhéran. Les partisans de M. Massoud Radjavi font partie du dispositif militaire de l'Iraq, où ils disposent de véritables bases et d'unités combattantes financées et équipées par les Iraquiens. En juin, ils avaient occupé la localité iranienne de Mehran, située dans un no man's land entre l'Iran et l'Iraq, juste le temps de permettre aux journalistes de prendre des photos.

L'Iraq rechigne

L'offensive de Kermanchah, par Moudjahidines interposés, a finalement rendu un immense service aux dirigeants iraniens en suscitant dans le pays un sursaut nationaliste qui a contribué à mettre en échec la percée des opposants. Sérieusement affaiblis par les pertes qu'ils ont subies, les Moudjahidines ont cessé depuis lors de représenter une force militaire efficace. Certains affirment même qu'ils sont tombés dans un piège tendu par les Iraquiens désireux d'affaiblir un allié qui aurait pu devenir encombrant à la veille des négociations de paix.

Face aux pressions internationales, le président Saddam ne pourra en effet maintenir son intransigeance. La position iraquienne est d'autant moins défendable que la résolution 598, seule base de travail pour un règlement négocié, ne prévoit pas expressément de discussions directes, mais demande aux deux belligérants de coopérer avec le secrétaire général des Nations unies pour la recherche d'un règlement global. M. Saddam Husayn cédera donc aux pressions conjuguées de M. Perez de Cuellar, des membres permanents du Conseil de sécurité et de l'Arabie Saoudite, la principale alliée arabe de l'Iraq. Ils lui ont fait savoir qu'ils souhaitaient que la résolution de l'ONU soit respectée à la lettre.