Que s'est-il passé ? Soviétiques et Américains ont continué d'alimenter leurs alliés locaux respectifs en armes et munitions. Régulièrement, Moscou et Kaboul ont protesté contre le transit par le Pakistan – cosignataire de l'accord de Genève – des armes destinées à la résistance. De leur côté, les Pakistanais ont dénoncé les fournitures de matériel de guerre soviétique au régime de Kaboul. Mais ces « avertissements » n'ont pas remis en cause la volonté soviétique de se retirer du conflit.

En revanche, Moscou s'est inquiété du harcèlement, par des groupes de résistants, d'unités soviétiques sur le chemin du retour et des attaques redoublées de la résistance contre des villes ou des garnisons dont l'Armée rouge venait de se retirer. Dans un premier temps, les Soviétiques ont évacué les postes frontaliers de l'Iran et surtout du Pakistan. Ainsi, les tirs de roquettes se multiplient sur Kaboul, où ils font des centaines de victimes, surtout à la fin du mois de septembre. Ailleurs, à plusieurs reprises, l'aviation soviétique est obligée d'intervenir pour protéger – ou aider à reprendre – des agglomérations prises par la résistance. Enfin, des convois soviétiques ont été attaqués dans plusieurs régions.

Pour les Soviétiques, l'un des plus graves incidents se produit le 24 juin sur l'aéroport de Kaboul, où huit chasseurs-bombardiers Sukhoi SU-25 sont détruits par un incendie. Mais les Soviétiques subissent toujours des pertes sur plusieurs autres fronts, comme si plusieurs mouvements de résistants calculaient qu'il fallait maintenir une pression militaire directe sur l'Armée rouge pour accélérer son retrait d'Afghanistan. D'autres chefs de guerre – mais ils sont moins nombreux – ont décidé, au contraire, de ménager leurs forces pour mieux abattre le régime de Kaboul une fois les Soviétiques partis.

Pour Moscou, il n'existe pas, il est vrai, de choix réel. Le retrait d'Afghanistan est présenté comme la pierre angulaire d'une nouvelle diplomatie. Il donne à cette dernière toute sa crédibilité et a déjà permis d'amorcer la négociation sur l'Afrique australe et de redonner une dynamique à la négociation du conflit cambodgien. Mais il était beaucoup plus facile d'occuper militairement l'Afghanistan en 1979 que de s'en retirer, sans cessez-le-feu.

Neuf années de guerre

Le 27 décembre 1979 est une date que les Soviétiques n'ont guère de raisons de commémorer. Ce jour-là, tandis qu'une division de parachutistes s'empare de plusieurs points stratégiques en Afghanistan – dont la capitale et les grandes bases militaires –, des troupes motorisées de l'Armée rouge prennent le contrôle des axes routiers asphaltés et opèrent leur jonction dans le sud, à Kandahar, deuxième ville du pays.

Cette occupation provoque un tollé sur la scène internationale ; l'Occident redoute notamment une percée soviétique sur le Golfe. Le président Carter décrète alors un embargo sur les livraisons de céréales à l'URSS et décide le boycottage des jeux Olympiques de Moscou. Tout en exprimant sa « profonde préoccupation », l'Europe de l'Ouest juge néanmoins nécessaire la poursuite du dialogue avec Moscou.

La résistance s'organise aussitôt dans les montagnes ; dès la fin de 1980, les Soviétiques éprouvent déjà des difficultés à tenir certaines villes et subissent un premier échec dans les défilés de la vallée du Panshir. En octobre 1980, Léonid Brejnev, alors au pouvoir à Moscou, déclare néanmoins que le « processus révolutionnaire en Afghanistan est irréversible ». Fuyant les combats, les réfugiés commencent déjà à affluer en Iran et surtout au Pakistan, avant même les vastes opérations lancées en 1981 par les Soviétiques pour dégager les grandes villes.

Dans ce pays aux structures féodales, les communistes n'ont jamais représenté qu'une fraction de la population, mais leur influence est incontestable, avant tout dans la grande plaine de Mazar-I-Sharif, frontalière de l'Union soviétique, et dans le Wakhan, province étroite du Nord-Est, qui s'enfonce comme un poignard entre le Pakistan et l'URSS, jusqu'à un petit morceau de la frontière chinoise. Protégés par les Soviétiques, les communistes sont donc condamnés à pratiquer une politique « frontiste », celle de l'ouverture dans toutes les directions, qui débouchera, en 1986, sur le programme de « réconciliation nationale » de Mohamed Najibullah.