Survenant au niveau national en pleine période électorale, sollicitant la responsabilité d'un pouvoir exécutif rendu flottant par la pratique délicate de la cohabitation, l'affaire fut menée sur place par le ministre des DOM-TOM du moment, M. Bernard Pons ; celui-ci, contre l'avis de certains militaires, notamment au sein de la gendarmerie, plus portés à la tractation qu'à l'épreuve de force, réalisa une manœuvre, sanglante pour les indépendantistes, mais qui permit de libérer les otages. Ce résultat trop tardif pour être exploité électoralement se retourna, en fin de compte, contre les extrémistes de tout bord. Trop de sang avait coulé de part et d'autre ; aux quatre gendarmes assassinés à Fayawe, il fallait ajouter deux militaires et 19 Canaques tués au cours de l'attaque de la grotte d'Ouvéa. 29 Canaques étaient alors emmenés en France et incarcérés.

Le résultat incertain des élections législatives qui, au début de juin, suivirent les présidentielles – aucun parti ne détenant la majorité absolue – incita les deux camps à négocier. À la suite de difficiles tractations, des accords dits « accords de Matignon » furent conclus au cours de l'été entre Jacques Lafleur, dirigeant du RPCR (Rassemblement de la Calédonie pour la République), branche locale du RPR, et le dirigeant indépendantiste Jean-Marie Djibaou. Les résultats obtenus par la persévérance et l'habileté du nouveau ministre des DOM-TOM, Louis Le Pensec, furent confirmés par le Premier ministre, Michel Rocard, qui décida de les faire entériner solennellement par voie de référendum.

Les indépendantistes sont regroupés au sein du FLNKS (Front libération nationale kanak socialiste) ; cet ensemble politique est lui-même traversé par des courants de sensibilité différente, allant de la modération de l'Union progressiste calédonienne d'Édouard Nikirai au Front uni de libération kanak, dirigé par le radical Séléné Uregéi. Quant à l'Union calédonienne, la composante principale du mouvement, présidée par Jean-Marie Djibaou, elle s'efforce de maintenir l'unité de la coalition. Dans leur majorité, les indépendantistes semblent admettre, avec plus ou moins de méfiance, la solution mise en place par le projet de loi qui prévoit un délai de 10 ans avant que ne soit posée la question de l'indépendance, en 1998.

En métropole, le RPR avait donné des consignes d'abstention qui ont renforcé l'indifférence du corps électoral ; 25 % seulement des électeurs inscrits ont participé au référendum. En Nouvelle-Calédonie même, le résultat peut être considéré comme une marque de méfiance des loyalistes à l'égard de Jacques Lafleur. Les Canaques emprisonnés après l'affaire d'Ouvéa ont été libérés discrètement afin d'éviter des réactions hostiles. Il semble maintenant régner une tranquillité non exempte d'inquiétude et d'arrière-pensées de part et d'autre.

L'environnement international a accueilli favorablement ce répit pendant lequel le grand pari sera celui du réel développement économique d'un territoire de dimension et de population réduites, peu doté par la nature, hormis le nickel, et situé hors des grands axes d'activité d'un Pacifique en pleine expansion.

Jean-Pierre Gomane

Claude Malassigné