La constitution, le 23 juin, d'un groupe de l'Union du centre de 41 membres présidé par Pierre Méhaignerie et indépendant de celui de l'UDF sembla répondre à cette attente du Premier ministre, qui appela le 28 juin de nouveaux membres de ces formations à des fonctions gouvernementales : Jean-Pierre Soisson, Jean-Marie Rausch, Hélène Dorlhac. Ce n'étaient que des ralliements individuels. François Mitterrand en prit acte le 14 juillet en donnant un coup d'arrêt à l'ouverture, qu'il n'avait jamais comprise que comme un ralliement du Centre à sa politique.

Les leçons de l'abstention

La majorité présidentielle, affaiblie lors des élections sénatoriales du 4 septembre, perdit, au profit du RPR, les deux élections législatives de l'Oise du 18 septembre et celle de la Meurthe-et-Moselle du 11 décembre. Entre-temps, la droite recueillit 50,95 % des suffrages exprimés lors du premier tour des cantonales qui consacra, le 25 septembre, la stabilité quasi absolue du corps électoral depuis le 5 juin. Et le léger gain de 81 sièges que la majorité put comptabiliser à l'issue du second tour le 2 octobre ne lui permit de conquérir le 7 octobre qu'une seule présidence de conseil général, celle de la Gironde, le 7, compensée le même jour par la perte de celle des Alpes-de-Haute-Provence.

Les Français étaient très las de ces élections à répétition. Ils le marquèrent par une abstention massive, dont le taux était exceptionnellement élevé pour des élections législatives : 34,25 % ! Pis, 51 % d'entre eux refusèrent de se rendre aux urnes le 25 septembre et ils furent 62,96 % à bouder le référendum du 6 novembre sur la Nouvelle-Calédonie.

Ce taux record d'abstentions s'explique par le refus de répondre à la question telle qu'elle était posée ; mais aussi par le mécontentement de nombreux Français, qui n'acceptaient pas que l'on trouble pour la septième fois de l'année leur week-end afin de reporter de dix ans l'heure où la lointaine Nouvelle-Calédonie pourra fixer définitivement son avenir politique. Malgré tout, les accords Matignon ont bien été ratifiés par 80 % des votants, même s'il s'agissait d'un électorat très largement minoritaire.

En fait, au terme de 1988, il apparaît que les citoyens ne s'engagent réellement dans une bataille électorale que lorsqu'ils se sentent personnellement impliqués par son issue. À condition aussi qu'ils n'aient pas l'impression d'être séparés des hommes politiques, quelle que soit leur appartenance, par un fossé d'incompréhension. Si la montée du taux des abstentions tout au long de l'année 1988 traduisait une telle rupture entre les citoyens et leurs élus, il y aurait là un grave danger pour la démocratie. Mais, en politique, le pire n'est jamais certain.

Pierre Thibault