À Panama, le bras de fer entre les États-Unis et le général Noriega, accusé de collusion avec la mafia de la drogue, se solde par un compromis sans vainqueurs, mais avec un grand vaincu : le pays lui-même, exangue et menacé d'un départ massif des banques qui assuraient 70 % de son PIB.

La même précarité affecte la survie politique du président Alfonsin face aux péronistes, en Argentine, d'Alan Garcia au Pérou, ou de Napoléon Duarte au Salvador, qui doit faire face, malgré la maladie, à la guérilla et à la droite. Seul le président Sarney, au Brésil, semble conforter sa position en obtenant la prorogation de son mandat.

Mais c'est au Mexique que culmine l'incertitude politique, avec, en juillet, après les élections présidentielles, la remise en cause de 70 années d'hégémonie du Parti révolutionnaire institutionnel. Le candidat officiel, Salinas de Gortari, a vu son étroit succès contesté par l'opposition. Vainqueur moral, Cuauhtemoc Cardenas pourra-t-il fédérer et contrôler durablement un Front du refus, qu'il a plus représenté que dirigé ? La réaction du PRI voudra-t-elle éviter la violence ?

L'incertitude politique se surimpose à la crise économique qui frappe toute l'Amérique latine : le PIB par habitant y régresse au niveau de 1975. L'austérité règne, associée à l'inflation et aux dévaluations. Au Mexique, elle s'aggrave encore en octobre, puisque la baisse des prix pétroliers impose un programme supplémentaire de restrictions budgétaires. Partout, même au Pérou, le besoin d'argent frais incite à l'orthodoxie, repousse les tentations de moratoire de la dette extérieure au profit de négociations et de conversions en obligations ou en participations au capital industriel. Il impose l'acceptation, en moyenne, de l'amputation d'un tiers des revenus d'exportation pour le service de la dette.

Une fois l'ampleur des découvertes pétrolières de l'Amazonie démentie par les premiers résultats, les seules avancées économiques semblent se réduire à la création, en juin à Lima, du FLAR, un FMI régional regroupant les sociétaires du Pacte andin et de l'ALADI, et aux progrès des industries « maquiladoras » des Caraïbes et surtout du Mexique.

Il en résulte un bilan social fort sombre, aggravé par une série de catastrophes naturelles : inondations à Rio, à Petropolis et dans le Nordeste ; ouragan Gilbert puis Joan dévastant en partie la Jamaïque, le Mexique et le Nicaragua. Alors que les issues traditionnelles de la migration se referment, avec la loi Simpson Mazzoli aux États-Unis et la raréfaction de l'embauche industrielle, la crise fait exploser les contraintes légales. La drogue permet la survie de régions entières. Elle développe une mafia toute-puissante en Bolivie et en Colombie.

« Jamais plus la faim et la violence ! » : l'exhortation de Jean-Paul II, lors de son 9e voyage sur le continent, illustre bien l'inquiétude dominante face à la précarité de la paix et de la démocratie et au recul économique et social.

Alain Vanneph