Alors, pourquoi cette réserve du public ? Peut-être parce que l'on s'ennuie un peu trop souvent devant des images qui comblent l'œil mais endorment l'esprit. Trop de créations contemporaines au propos abstrait sont difficiles à suivre. Des références culturelles sont nécessaires, grave concession que le créateur se refuse souvent à faire. Si le sujet n'invoque pas un mythe légendaire et incompréhensible avec lequel il faudrait des années pour se familiariser, le public, même composé d'initiés, s'estime heureux. Que veulent dire pour le grand public ces rites glacés à l'atmosphère sombre et irréelle, dépourvus de lyrisme et où la musique a l'air gênante ? Il serait dommage que la danse soulève elle aussi le grave problème des arts subventionnés dont les créateurs semblent parfois peu se soucier d'être vus ou entendus. Les spectateurs pourraient faire aux œuvres de ce genre de graves reproches. Très souvent mimées, elles sont de moins en moins dansées. Ce recul de la danse, qui marque, en partie, la fin du xxe siècle, n'est certainement pas étranger à la désaffection du public pour les créations contemporaines. L'évolution du langage chorégraphique, qui veut aussi que les danseurs se demandent s'il faut ou non raconter une histoire, ne facilite pas les choses. L'idéal voudrait que la danse se suffise à elle-même et il est possible aussi que le public qui refuse de se déplacer ait lancé un message : « Et bien ! dansez maintenant ! » L'Année de la danse n'aura fait qu'amorcer une longue initiation.

Catherine Michaud-Pradeilles
Titulaire de plusieurs premiers prix du Conservatoire et diplômée de l'École pratique des hautes études, Catherine Michaud-Pradeilles est historienne de la musique. Elle a publié l'Organologie (1983) et le Piano (1985, avec Claude Helffer) aux PUF dans la collection « Que sais-je ? ».