Aujourd'hui, l'on s'efforce de trouver des affectations plus nobles. L'abbaye des Prémontrés de Pont-à-Mousson, les salines d'Arc-et-Senans abritent des « centres de rencontres et de séjours ». Le château de Bénouville est devenu le siège d'une cour des comptes régionale. Le palais des Papes en Avignon, qui continue d'accueillir chaque été le festival que l'on sait, s'est doté d'un centre de congrès ultramoderne, où se tiennent d'ailleurs régulièrement des rencontres internationales sur le patrimoine. D'autres monuments sont le siège d'assemblées régionales ou de conseils généraux, voire le siège social d'entreprises. Autre reconversion possible : l'utilisation hôtelière totale (le Guide 1988 des relais et châteaux donne de nombreux et prestigieux exemples dans 37 pays), ou en activité d'appoint. Pour la 3e édition de son « Guide de la vie de château en France », Philippe Couderc a ainsi recensé 259 demeures dont les propriétaires proposent des chambres d'hôte. C'est une formule séduisante, en plein développement ; de même que celle des locations de salons pour des réceptions ; l'État donnant lui-même l'exemple (on peut louer l'Orangerie de Versailles comme la Conciergerie) ; ou, encore, l'utilisation de demeures historiques comme cadre de tournage de films.

Patrimoine en tête

Utiliser, réutiliser, l'avenir du patrimoine est là, dans son intégration au présent. Dans son intégration aux mentalités, aussi. Et, pour cela, commençons par les enfants.

C'est ce qu'a saisi, il y a huit ans, Jean-Robert Lorzil, un instituteur qui s'était épris quelques années auparavant du château d'Épanvilliers, un monument en péril. Il l'avait acquis, avec de très modestes moyens, pour lui redonner vie. Il en a fait le lieu d'une expérience originale de « classes du patrimoine ». Les enfants viennent passer quelques jours sur place, et le monument sert de base, de support, de prétexte à l'étude de diverses matières. Reprise dans des monuments d'État sous l'égide de la Caisse des monuments historiques, la formule a pris un essor considérable. L'association Jeunesse et Patrimoine propose des stages d'étude très pointus. Cet été, il s'agissait d'initier des jeunes, français ou étrangers, à de véritables travaux pratiques de restauration à Saint-Antoine-l'Abbaye, dans l'Isère. Un autre stage, plus théorique, s'est tenu à Bordeaux. Et puis l'on peut contribuer à la sauvegarde du patrimoine sur les multiples chantiers de sauvetage pour bénévoles que propose par exemple l'association R.E.M.P.ART. Des milliers de jeunes prouvent ainsi, en payant de leur poche, de leur temps, de leurs efforts, que le patrimoine n'est pas seulement une valeur du passé.

Espoir ? Demain ne sera peut-être plus le temps du désastre.

Denis Picard
Denis Picard est rédacteur en chef adjoint de Connaissance des Arts et rédacteur en chef de la Demeure historique.