Une nouvelle réglementation internationale sur les mouvements de déchets devrait voir le jour en 1989, après la signature d'un traité sous l'égide des Nations unies. Les discussions finales sont prévues pour le mois de mars à Bâle. Cependant, de nombreux points restent en suspens. Certains gouvernements sont partisans d'une interdiction totale des exportations, d'autres souhaitent une simple réglementation et considèrent les déchets comme une marchandise ordinaire. « Seule une gestion région par région empêche les trucages, car, à cette échelle, les syndicats, les associations et les médias empêchent les producteurs de tricher. De plus, tout mouvement accroît le risque lors du transport », estime Bernard Devoucoux, président des Verts d'Auvergne. « Tant que nous avons des capacités de traitement, il n'y a aucune raison que nous n'acceptions pas les importations d'autres pays européens, afin de rentabiliser nos installations », déclare de son côté Dominique Martin, chargée de mission au cabinet du secrétaire d'État à l'Environnement.

Le prix à payer

Pour limiter à l'avenir les problèmes d'élimination des déchets, l'industrie tente d'en produire moins ou de les recycler. La chimie, par exemple, conçoit des cycles de production où le taux de déchets produits est de plus en plus faible : il y va de sa rentabilité compte tenu du coût des matières premières et du prix de l'élimination. C'est aussi une question d'image de marque : lorsque des enquêteurs ont retrouvé en France des fûts contaminés à la dioxine, l'entreprise suisse Hoffmann-Laroche a subi un préjudice bien plus grave que si elle avait dépensé le prix de leur élimination par des moyens sérieux.

Plus de 2 000 « produits propres », apparus sur les marchés ont été accueillis très favorablement par les consommateurs allemands, autrichiens ou Scandinaves. En France aussi, les labels « technologie propre » entrent dans les mœurs. En 1988, la marque Wonder a lancé les « piles vertes » sans mercure. Chaque « pile bouton » d'appareil photo, de montre ou de calculette contient en effet assez de mercure et d'oxyde d'argent pour souiller un mètre cube de terre si on la jette dans une poubelle ordinaire ou dans la nature... À chacun, maintenant, de prendre ses responsabilités.

Le nouveau traitement des ordures : l'usine d'Amiens

Le 8 octobre 1988 à Amiens, M. Brice Lalonde, secrétaire d'État à l'Environnement, inaugure une usine flambant neuve, qui ressemble à une conserverie ou à une petite sucrerie : des convoyeurs, des trémies des hangars des grands réservoirs cylindriques... Pourtant, ce ne sont pas des légumes verts ou des betteraves qui entrent dans l'enceinte, mais des bennes d'ordures ménagères. Ce qui sort, ce sont des ferrailles triées, du compost agricole, du gaz combustible, de la vapeur pour une usine voisine. Moins d'un dixième des ordures collectées en ville parient dans la décharge publique.

L'entreprise Valorga, de Montpellier, a construit cette première usine de grande taille, qui traitera les 110 000 tonnes d'ordures produites par les 160 000 habitants du district d'Amiens. Douze autres villes, dont Nîmes, Dunkerque, Lorient et Saint-Brieuc, ont déjà commandé des unités Valorga, et des dizaines d'autres suivent avec intérêt l'expérience d'Amiens avant de se décider.

Les élus ne savent souvent que faire des ordures urbaines. Dans un grand nombre de villes la place manque dans les décharges Pour en ouvrir de nouvelles, les terrains deviennent de plus en plus rares d'autant plus que les règlements sont contraignants : le sol notamment doit être assez imperméable pour éviter la pollution des nappes d'eau souterraines On estime que plus de 80 % des décharges ne respectent pas les dispositions en vigueur.

Comment fonctionne l'usine d'Amiens ? Les ordures sont broyées puis des aimants puissants retirent les ferrailles Les déchets passent ensuite dans d'immenses tonneaux tournants percés de trous appelés « trommels », d'où l'on retire notamment les morceaux de verre et de céramique. L'étape suivante est la fermentation dans d'immenses cuves durant vingt jours environ ; chaque tonne d'ordures produit à peu près cent mètres cubes de gaz carbonique et de méthane. Gaz de France, qui soutient ce projet, épure alors le gaz et l'injecte dans le réseau public.