Face au Sida, en revanche, l'optimisme n'est pas encore de rigueur. En quelques années, cette affection est devenue un fléau mondial progressant à un rythme exponentiel (voir Le point sur le Sida). On compte à présent plus de 130 000 cas déclarés dans 140 pays, dont 12 % en Europe et 2 % en France, mais, selon l'OMS, le nombre réel dépasserait 150 000 et il y aurait entre 5 et 10 millions de personnes contaminées. Plus d'un million de nouveaux cas sont attendus dans les cinq ans à venir.

Les catastrophes naturelles

Comment ne pas prendre aussi conscience de notre fragilité face à des catastrophes naturelles que nous sommes incapables de prévoir ou contre lesquelles nous restons impuissants à nous prémunir ? En septembre, la Jamaïque, les îles Caïman et le Yucatan sont ravagés par le cyclone Gilbert, l'un des ouragans les plus violents du siècle : à la Jamaïque, où les pointes de vent ont atteint 320 km/h, près de 100 000 maisons sont totalement écrasées et l'on compte 800 000 sinistrés, soit le tiers de la population ; les dégâts sont estimés à plus de 7 milliards de dollars. Quelques semaines plus tard, le sud-est de la France, et particulièrement la ville de Nîmes, est sinistré par des pluies diluviennes. Enfin, le 7 décembre, un séisme, d'une intensité de 9 degrés sur l'échelle de Mercalli (qui en compte 12) et dont on estime que l'épicentre se situait à 14 km seulement de profondeur, dévaste le nord de l'Arménie en faisant plusieurs dizaines de milliers de victimes, notamment dans les villes de Leninakan et de Spitak. Ce terrible tremblement de terre aura, une fois de plus, mis en évidence les difficultés de la prévision sismique et rallumé, chez les spécialistes, le débat sur l'efficacité de la méthode VAN (voir Les promesses de la supraconductivité).

Les rançons de la technique

L'impuissance de l'humanité face à certains cataclysmes naturels qui bouleversent son environnement a quelque chose de poignant. Mais, de plus en plus souvent aujourd'hui, l'homme se révèle aussi désarmé devant des situations qu'il a lui-même contribué à créer par le développement de sa technologie. Ainsi, les avions sont à présent de plus en plus nombreux : ils provoquent l'engorgement des aéroports et la saturation des systèmes de contrôle, ce qui menace la sécurité et le confort du transport aérien (voir Le ciel embouteillé). De même, la prolifération des déchets industriels pose désormais avec acuité le problème de leur stockage (voir L'invasion des déchets).

Si l'espace aérien s'avère de plus en plus encombré, l'espace extra-atmosphérique le devient aussi. En 31 ans d'activité spatiale, plus de 3 000 fusées et quelque 3 600 satellites ont été lancés. Selon le NORAD, l'organisme nord-américain de défense aérienne, leurs débris non encore retombés dans l'atmosphère forment autour de la Terre, avec les engins toujours opérationnels, un essaim d'environ 7 000 objets de grosseur au moins égale à celle d'une balle de tennis. Certains satellites sont équipés d'un réacteur nucléaire et, lors de leur rentrée dans l'atmosphère, leurs débris sont susceptibles de provoquer au sol une pollution radioactive. D'où l'alerte consécutive à l'annonce, en 1988, de la retombée imminente du satellite militaire soviétique Cosmos 1900. Sa désagrégation intervient finalement le 1er octobre au-dessus de l'Afrique du Sud, mais après que le réacteur de l'engin a été transféré à 720 km d'altitude, sur une orbite où il pourra se maintenir pendant plusieurs siècles. C'est cependant la troisième fois en dix ans qu'un satellite de surveillance soviétique équipé d'un réacteur nucléaire s'écrase au sol, après Cosmos 954 retombé dans le Grand Nord canadien en janvier 1978 et Cosmos 1402 dans l'océan Atlantique en février 1983.

Autre rançon du progrès technique : les virus informatiques. Il s'agit de séries d'instructions parasites introduites volontairement dans des programmes, qui peuvent perturber le fonctionnement des ordinateurs les plus puissants et se transmettre d'une machine à une autre. Aux États-Unis, Robert T. Morris, un étudiant de 23 ans de l'université Cornell, est ainsi parvenu à paralyser plus de 6 000 ordinateurs, dont certains attachés aux laboratoires de recherche du département de la Défense. Son mobile ? Un simple défi intellectuel : le désir de tester la sécurité des réseaux informatiques... D'autres agressions informatisées analogues ont eu lieu en 1988 en Israël, aux États-Unis, en France... L'affaire est sérieuse. Une telle épidémie informatique, gagnant de proche en proche un grand nombre d'ordinateurs, pourrait aisément paralyser des secteurs entiers de l'activité civile ou militaire d'un pays.