Avec 4 % du marché reconquis de 1981 à 1987, et un score à 20 %, tout va bien en effet pour le deuxième constructeur américain, qui dispose d'un trésor de guerre de 10 milliards de dollars. Ceux-ci ont été réinvestis dans Ford Aerospace, dans de nouveaux modèles et dans des usines de moteurs et de boîtes de vitesses, en Angleterre notamment.

Les chiffres de production américains pour 1988 sont bien pâles pour les trois grands. GM termine avec 3,4 millions de véhicules, en baisse de 1,28 %. Même problème pour Ford : 1,815 et – 0,84 %, et pour Chrysler : 1,067 et – 3,82 %. La grosse progression est celle d'American Honda : 364 000 et + 12,3 %, mais Nummi (GM-Toyota) subit une grave déconfiture : 187 000 et – 36,16 %, et Nissan régresse nettement : 117 000 et – 7,27 %. VW, qui a mis la clé sous la porte, descend logiquement à 36 000 et – 46 %, alors que les inévitables Japonais démarrent la production de leurs usines Toyota (17 000) et Diamond Star-Chrysler Mitsubishi (2 300). Un bilan en demi-teinte en total contraste avec celui de l'Europe.

Capitalisation boursière, autofinancement et bénéfices nets

Alors qu'on est resté sur l'image de constructeurs américains financièrement très puissants les capitalisations boursières la mettent en pièces. En 1988, avec 349 milliards de francs Toyota occupe la première place de façon incontestable. Suivent Ford (161), GM (151), Nissan (136), Honda (98), devant Daimler Benz (98), premier Européen juste devant Fiat (85). Derrière, c'est le grand trou, Mazda (31,1) devançant de justesse Chrysler (31), le premier Français PSA (29,2), et l'inattendu VW (25,5), talonné par BMW (24,8) et par Volvo (24,5), les deux premiers constructeurs « spécialistes », bien que Volvo possède aussi des camions.

Un calcul simple permet de constater que la capitalisation boursière des quatre principaux Japonais dépasse les 600 milliards de francs, soit le double de celle de leurs concurrents. Les trois Américains ne totalisent en effet que 340 milliards et l'Europe 300 milliards !

Si l'on reprend les mêmes constructeurs en les classant suivant leur capacité d'autofinancement, la hiérarchie est toute différente : GM (58,2 millions), Ford (49,7), Toyota (24,6), Fiat (19,9), DB (16,9), PSA, VW (13), Chrysler (11,1) et Honda (9,3). Même si les problèmes de change ont affaibli les Japonais, il est rassurant de constater que ce classement met en valeur les Européens, à l'exception évidemment de Renault, dont le statut de firme « nationalisée » empêche tout calcul.

Dernier classement purement financier, celui des bénéfices nets. Ford prend sa revanche avec 29,6, devant GM (22,7), Toyota (12,5), Fiat (10,8), DB (9,86), Chrysler (8,25) et PSA (7)*{Estimations pour 1988.}. Le palmarès des capitalisations boursières paraît de ce fait bien injuste pour les constructeurs les plus vigoureux et les plus aptes à tirer des bénéfices importants. Il est pourtant clair que les boursiers du monde entier jouent les Japonais gagnants à terme, considérant leurs mauvais résultats du moment comme induits par les parités monétaires et pas du tout révélateurs de leur gestion. Cette confiance de la finance mondiale dans la capacité des Nippons est bien inquiétante...

L'Europe : un record inattendu

L'euphorie règne en effet dans les deux Europes, celle des 17 pays et celle de la CEE. Dans l'un et l'autre cas, le millésime 1988 restera dans les mémoires comme celui du record inattendu. On a vendu entre 13,2 et 13,3 millions de véhicules, dépassant toutes les prévisions. Après le record de 1987, on prévoyait un net fléchissement des ventes, surtout lors du second semestre ; or, rien de tout cela ne s'est produit puisque le marché termine à 5 % au-dessus du précédent. Pourtant, la RFA (qui représente 23 % du total de la CEE) perd plus de 2 %. C'est le contrecoup des problèmes réglementaires qui se posent à l'Allemagne : la « voiture propre » étant une obsession outre-Rhin et la législation encore floue, le diesel a paru la meilleure solution d'attente ; mais, dès la publication des règlements, ce dernier a perdu beaucoup de ses adeptes, séduits par les modèles à essence et... par les primes qui s'y rattachaient. Le relais a été passé en 1987 ; il était alors naturel que le marché s'en ressente et soit quelque peu asséché en 1988.