Le recours généralisé à l'informatique et aux télécommunications permet de traiter un volume beaucoup plus important de transactions : les mouvements de capitaux sur les marchés internationaux au cours de la période 1976-1986 ont augmenté deux fois et demie plus que le revenu nominal dans les grands pays industrialisés ; de même, le volume quotidien de devises traité sur les trois principales places (Londres, New York et Tokyo) atteint 200 milliards de dollars.

En second lieu, la technologie des communications a également renforcé la mondialisation des marchés financiers en permettant de traiter des opérations vingt-quatre heures sur vingt-quatre (cotation continue) et de relier ainsi entre eux des marchés qui ne fonctionnent pas à la même heure.

Enfin, les progrès de l'informatique ont fait naître de nouvelles méthodes de couverture des risques (options et contrats à terme d'instruments financiers par exemple) et créé des possibilités d'arbitrage grâce à l'informatisation et à la programmation des transactions.

En définitive, l'application de nouvelles technologies a pour conséquences importantes de faciliter l'accès au marché en n'importe quel point du globe, de donner à certains acteurs la tentation d'entrer dans le jeu (comme au casino) d'autant plus volontiers que les coûts des transactions sont abaissés. Cette facilité d'accès ne peut que contribuer à gonfler la bulle financière. Par ailleurs, l'omniprésence de l'ordinateur tend à uniformiser, à standardiser les réactions des différents intervenants du marché, car ceux-ci ont reçu une formation fondée sur un langage universel. En conséquence, il faut s'attendre à ce qu'ils prennent tous la même décision au cas où un incident significatif pourrait renverser la tendance. En effet, dans une situation de hausse des cours, les intervenants ne peuvent pas toujours dominer leur inquiétude ; ils guettent l'information qui les rassurera. Si cette information est contraire à leurs anticipations, cela peut suffire pour déclencher une panique.

La libéralisation des marchés

La libéralisation (ou déréglementation) consiste à autoriser l'établissement de sociétés étrangères sur une place financière, afin de stimuler la concurrence entre les institutions. Elle a fortement contribué au gonflement de la bulle financière, même si certaines firmes financières n'ont pas résisté à la compétition ; d'un côté, pour compenser la chute des commissions (– 50 % en moyenne), on a cherché à « faire du chiffre ». D'un autre côté, beaucoup d'institutions se sont efforcées de développer leurs activités dans de nouveaux domaines pour offrir des services diversifiés (supermarchés financiers). Cette formule a profité aux grands opérateurs et a conduit à la création de groupes financiers géants, ayant tendance à éliminer les plus petites maisons. À terme, une telle concentration fragilise les marchés financiers dans la mesure où l'erreur peut être commise sur une plus grande échelle.

D'une façon générale, les innovations peuvent être classées en trois grandes familles : celles qui visent à rendre les instruments de placement accessibles aux petits investisseurs, en particulier aux ménages ; celles qui se proposent de mettre en relation directe prêteurs et emprunteurs sans passer par l'intermédiaire des banques (« titrisation »), de telle façon que l'emprunteur émette directement des instruments négociables pouvant être revendus à tout moment ; enfin, les plus nombreuses, celles qui veulent protéger les épargnants ou les entreprises du risque de change ou des taux d'intérêt soit en les couvrant, soit en les séparant du titre créance-dette afin de pouvoir parier sur lui, soit enfin par l'échange ou option. Cette dernière famille d'innovations introduit une grande part de jeu : beaucoup d'opérateurs misent sur le fait qu'ils ne se tromperont pas dans leurs anticipations. Il ne s'agit plus alors de gestion du risque et l'on peut parler d'« économie casino ».

En définitive, tout comme la globalisation et la libéralisation, les innovations contribuent au gonflement de la bulle pour la simple raison qu'elles incitent à entrer dans le marché aussi bien ceux qui cherchent la sécurité que ceux qui veulent jouer ou parier. Avec tous ces changements, il faut souligner que les marchés financiers deviennent dépendants des comportements des joueurs ou des spéculateurs, ce qui introduit en fin de compte un élément de fragilité. Ces marchés sont à la merci d'une appréciation collective ou d'un événement regardé comme déterminant, et c'est à ce moment qu'on peut se demander si la bulle financière ne va pas éclater.

Les deux détonateurs

En fait, la bulle financière a éclaté sous l'action de deux détonateurs. Le premier a été la hausse des taux d'intérêt résultant simultanément de l'annonce d'un déficit du commerce extérieur américain plus élevé que prévu et du relèvement intempestif des taux allemands. D'un seul coup, les opérateurs ont estimé que le rendement des actions ne serait plus aussi avantageux que celui des obligations, compte tenu des risques courus avec les premières (insuffisance de leur prime de risque).