D'abord, les maires des grandes villes et « patrons » de départements et de Régions appartenant à l'UDF et au RPR sont plus nombreux en cette fin d'année 1987 que ceux qui se réclament du PS ou du PC. Ensuite, parce que le gouvernement, dans sa philosophie de réduction progressive des dépenses budgétaires de l'État, s'accommode volontiers du fait que les collectivités locales prennent le relais et il ne se gêne pas pour le leur demander de manière pressante, quitte d'ailleurs, dans le même temps, à les mettre en garde contre un dérapage de leurs dépenses. Yves Galland, ministre délégué, chargé des collectivités locales, s'est forgé pour lui-même un slogan qui est tout un programme : « réussir la décentralisation ». Bref, s'il est nécessaire de modifier, d'infléchir, de compléter telle ou telle disposition, il n'est pas question de tout brûler. Continuité et pragmatisme...

Les finances régionales

Inquiet de constater que plusieurs communes s'étaient lancées dans des opérations risquées d'aides financières à des entreprises en difficulté mais qui représentaient pour l'économie locale et l'emploi un enjeu capital, le gouvernement a soumis au Parlement, à l'automne 1987, un projet de loi qui interdit désormais aux communes d'engager ainsi inconsidérément leurs finances. Il s'agit d'une tâche de banquier ou d'institutions financières spécialisées auxquels la collectivité locale n'a pas à se substituer (En 1985, les communes ont accordé 6,6 milliards de francs d'aide aux entreprises, soit une hausse de 50 p. 100 par rapport à 1984.). En outre, des règles ont été fixées pour limiter les garanties d'emprunt qui sont accordées aux entreprises par les collectivités locales.

Une polémique s'est développée pendant l'été et l'automne à propos d'une disposition législative tendant à réduire le rôle des chambres régionales des comptes, composées de magistrats de haut niveau et inamovibles, créées elles aussi par la loi de 1982. Saisissant l'occasion de certaines maladresses, voire de contrôles tatillons imputables à certains magistrats des chambres d'Alsace et d'Île-de-France, un groupe de sénateurs centristes a proposé d'amputer considérablement les compétences de ces juridictions en leur retirant le contrôle qu'elles exercent sur la gestion des collectivités locales. « Ces juges se mêlent d'apprécier en notre lieu et place nos choix budgétaires », ont protesté les sénateurs et maires conduits par Paul Séramy président du conseil général de Seine-et-Marne. Moins jusqu'au-boutiste, le gouvernement a proposé une voie moyenne, retirant aux chambres le contrôle et l'apurement des comptes des communes de moins de 2 000 habitants qui seront faits par les trésoriers-payeurs généraux, comme avant 1982. Les vingt-deux chambres de la métropole et les quatre d'outre-mer se consacreront au contrôle des collectivités les plus fortes qui gèrent un budget plus lourd.

Enfin, dans un souci de solidarité nationale et d'aménagement du territoire, des mesures ont été adoptées en faveur des départements jugés les plus défavorisés. Selon les nouveaux critères, 25 départements, et non plus 80, recevront au titre de la dotation globale d'équipement une majoration de ressources de la part de l'État.

Parmi les compétences qui sont désormais exercées par les collectivités locales et qui l'étaient auparavant par l'État, l'enseignement est probablement la plus lourde. Aux Régions reviennent l'équipement, la construction, l'entretien des lycées. Chaque Région a engagé en 1987 et poursuivra en 1988 des efforts considérables dans ce domaine. Certaines, par exemple l'Île-de-France, ont dans ce but lancé des emprunts d'un montant très élevé, en sus de la fiscalité et de la dotation d'équipement scolaire versée par l'État (2,2 milliards en 1988). En tout état de cause, ces sommes, qu'elles viennent de l'État ou des Régions, ne sont suffisantes ni pour les lycées ni pour les collèges dont la gestion revient, elle, aux départements. L'État le reconnaît, qui a décidé de verser par une loi de finances rectificative 500 millions de francs supplémentaires.