Pour les trois quarts des interviewés, c'est la création d'emplois qui représente le problème dont il faut s'occuper en priorité dans la vie locale. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, les liaisons routières et les équipements sportifs arrivent en dernier lieu.

À la question : « À quel responsable de la vie politique locale faites-vous le plus confiance ? », les Français répondent en majorité « le maire », avant le député, le préfet ou le sénateur. Les collectivités locales semblent emporter la confiance des personnes interrogées pour gérer les transports collectifs, l'aide sociale ou les affaires culturelles, mais l'État est reconnu plus compétent pour le développement économique.

Enfin, la décentralisation est jugée comme une réforme positive par 66 p. 100 des Français interrogés, alors que 16 p. 100 d'entre eux la trouvent plutôt négative, 18 p. 100 étant sans opinion. Mais, la majorité des Français (56 p. 100) estiment que les élus locaux ne sont pas bien préparés pour mener leurs nouvelles missions. Pour 64 p. 100 d'entre eux, les collectivités locales manquent de moyens.

Une France à deux vitesses

Près de 90 p. 100 du territoire relève de ce que l'on dénomme le monde rural. Or, près de 200 cantons, selon la DATAR, sont menacés, à court terme, d'anorexie démographique et de désertification. Tout le monde et tous les partis politiques partagent le même constat. À côté des villes « superstars », comme les métropoles, et une bonne centaine de villes moyennes qui tirent encore assez bien leur épingle du jeu, les campagnes ressentent une grande peur : celle d'une France à deux vitesses. La Bretagne intérieure, l'Orne, le Morvan, le Massif central, les Alpes du Sud, les Cévennes, les Pyrénées ariégeoises, la Corse risquent de devenir de vastes friches. L'attrait des villes, la diminution de la population agricole et les progrès de la productivité des méthodes de culture ou d'élevage, l'institution des quotas provoquent une hémorragie dans ces régions. Le phénomène n'est pas nouveau, mais il s'accélère. Quand une famille d'agriculteurs n'est pas remplacée, l'école aura moins d'élèves, la commune rurale moins de ressources, les commerces fermeront, puis le bureau de poste et la perception. Sachant que certains secteurs sont condamnés, Pierre Méhaignerie ne veut pas céder au misérabilisme, mais parle d'un diagnostic à déterminer lucidement et refuse de donner aux agriculteurs, commerçants et artisans ruraux de faux espoirs. Seules quelques zones seront sauvées si elles sont traversées, avec une bretelle de sortie, par une voie rapide autoroutière et si plusieurs communes se regroupent pour élaborer un projet commun de développement. Le gouvernement a exprimé son intention d'alléger le poids de l'impôt sur le foncier non bâti, d'aider plus que proportionnellement les départements ruraux les plus défavorisés, de réhabiliter le système de l'internat scolaire. Mais il faut être conscient que la désertification du monde rural, liée à la montée en puissance des grandes villes, est certainement le problème numéro un de l'aménagement du territoire.

Inventés par la gauche en 1983, les contrats de plan, conclus entre l'État et chaque Région, définissant des engagements communs de financement sur des équipements prioritaires, sont généralement considérés avec faveur. Après mars 1986, le gouvernement n'a pas voulu les remettre en cause ; de part et d'autre, les engagements ont été tenus. 1988 sera la dernière année d'exécution de ces premiers contrats. La prochaine série, qui couvrira la période 1989-1992, devrait avoir pour toile de fond l'ouverture du grand marché européen et, par ailleurs, mieux sélectionner les priorités retenues.

Quant à la politique régionale européenne, elle est de plus en plus influencée par la présence parmi les Douze de pays réputés en retard dans leur développement (Portugal, Grèce, Irlande), comme le montrent les tableaux ci-dessus et pp. 229-230. Il existe aussi une très forte disparité entre les régimes d'aides régionales qu'accorde chaque pays membre pour attirer des activités nouvelles. La France consacre dans ce domaine beaucoup moins de moyens financiers, rapportés au nombre d'habitants, que la République fédérale allemande, l'Italie, la Belgique et les Pays-Bas.

Décentralisation : continuité et pragmatisme

La décentralisation est désormais entrée dans les mœurs. Personne ne cherche sérieusement à revenir sur les réformes capitales initiées par Gaston Defferre et concrétisées par la loi du 2 mars 1982 (éd. 1987). Le gouvernement de Jacques Chirac considère même que ce serait une erreur politique de contester les nouveaux pouvoirs qu'ont acquis les maires, les présidents de conseils généraux et les présidents de Régions. Et ce, au moins pour deux raisons.