Mais il est évident que la coalition doit aussi tenir compte de l'aspiration à l'identité nationale qui se généralise en RFA. Helmut Kohl l'a bien montré lorsque, en juillet 1983, le chancelier dit à ses interlocuteurs soviétiques : « Nous prions pour la paix et pour la Pologne, pour laquelle nous avons collecté, depuis la proclamation de la loi martiale, 300 millions de marks... Les Allemands peuvent apprendre des Polonais l'art de la ténacité, s'agissant du rétablissement de leur unité... » ; ce sont là des propos d'importance. D'abord, ils tranchent avec l'histoire encore récente, dont sut jouer l'URSS, en ce qui concerne les vieilles inimitiés germano-polonaises. Ensuite, ils posent Helmut Kohl en réunificateur de la patrie. Et les Soviétiques, meneurs de jeu, ont « encaissé » avec une colère rentrée cette emportée verbale du chancelier ouest-allemand. Ce sont d'ailleurs la CSU et Franz Josef Strauss qui ont aidé tout au long de ces dernières années, par des crédits considérables, l'économie en crise de la RDA.

Cette attitude ouest-allemande, de plus en plus favorable à l'Allemagne de l'Est, est liée à la renaissance très active d'un courant de pensée favorable à la recherche de l'identité allemande, sinon de la réunification.

La recherche de l'identité nationale

Les drames des années 1939-1945 s'estompent peu à peu et le souvenir de la grandeur du Reich réapparaît dans la pensée des Allemands, d'autant que la dépendance congénitale de la politique extérieure de la RFA reste constamment présente ; en fait, l'aspiration à l'unité s'est toujours manifestée : elle existe dans le texte même de la Loi fondamentale de 1949, comme le rappelle expressément son préambule :

« Il [le peuple allemand de RFA] a agi également pour le compte des Allemands auxquels était refusée la possibilité de collaborer à cette œuvre. » « Le peuple allemand tout entier demeure convié à parfaire, en disposant librement de lui-même, l'unité et la liberté de l'Allemagne. »

Ces dispositions sont et demeurent en vigueur : elles ont d'ailleurs été confirmées par un jugement du tribunal constitutionnel fédéral de 1973 reconnaissant la validité du traité fondamental du 21 décembre 1971 entre la RFA et la RDA tout en spécifiant : « La RDA est une partie de l'Allemagne et ne peut, dans ses relations avec la RFA, être considérée comme terre étrangère. »

Tout cela explique cette recherche de l'identité allemande dans tous les milieux. En témoignent depuis six ans d'innombrables ouvrages tous centres sur le thème de l'identité nationale allemande et qui semblent se vendre fort bien. Certains vont très loin, tel Die deutsche Einheit kommt bestimmt (« L'unité nationale vient sûrement »), qui conclut en souhaitant la création d'une Confédération allemande, comme le font également les revues Criticon ou Wir selbst, très liées à la nouvelle droite française.

Les protestants entre l'Europe et l'Allemagne

À l'origine de cette recherche de l'identité nationale, il importe de souligner le rôle joué par les Églises protestantes allemandes. Profondément traumatisées par la Seconde Guerre mondiale, celles-ci ont cherché à lutter contre le militarisme et le bellicisme de nombreux milieux allemands, mais n'ont jamais oublié la défense de l'unité allemande. Nombreux sont les pasteurs et les hommes politiques protestants d'outre-Rhin à avoir entendu les appels de théologiens comme Martin Niemöller ou Gollwitzer, ou d'hommes comme Gustav Heinemann. Les « rassemblements protestants », qui s'organisent tous les deux ans depuis 1949, ont très souvent eu pour thème la paix ou la réunification, comme le Kirchentag de Berlin en 1951 ou celui de Francfort en 1956. Les rassemblements récents de 1981, 1983 ou 1985 n'ont donc en soi rien d'extraordinaire.

Les Églises protestantes ont facilité la pénétration de l'idée national-neutraliste dans la mesure où les positions des pasteurs de l'Église évangélique en Allemagne sont fortement marquées par les théologiens de la mort de Dieu (Gollwitzer ou Dorothée Sölle) et s'appuient souvent sur les décisions du Conseil œcuménique des Églises (COE), à l'intérieur duquel les milieux favorables à l'Union soviétique jouent souvent un rôle déterminant.