Des applications à la médecine ont également été expérimentées, entre autres pour le remplacement de disques intervertébraux, ou pour la mise en place d'agrafes et de plaques de réduction de fractures. Ces biomatériaux à simple effet mémoire, se déclenchent sous l'effet de la température corporelle une fois implantés dans les tissus. On utilise également cette propriété pour réaliser des fils spéciaux qui servent à redresser les dents.

Mais c'est la connectique qui apparaît comme l'un des domaines privilégiés pour les alliages à double effet mémoire. Les connecteurs électroniques pour l'aéronautique nécessitent des forces d'insertion considérables lorsqu'on doit les enficher ou les déconnecter. On peut résoudre ce problème avec des cryodouilles rétractables mises au point par la société française Souriau et par Raychem.

Souriau est par ailleurs chef de file d'un programme national de recherche sur les alliages à mémoire de forme : rassemblant six industriels et laboratoires, dont Cezus-Pechiney et Tréfimétaux, ce programme bénéficie du soutien du ministère de la Recherche et de la Technologie. Il s'agit de développer une véritable filière industrielle française de la recherche à l'objet industriel, en passant par la fabrication des métaux et la constitution d'une panoplie d'équipements spécifiques à leur mise en œuvre et leur exploitation. Les réalisations aéronautiques et spatiales, pour lesquelles la fiabilité l'emporte sur le coût, pourraient ainsi induire des applications de plus grande diffusion. Car ces matériaux connaissent déjà, particulièrement au Japon, quelques applications grand public : gadgets et petits robots, coupe-courant, systèmes de sécurité pour vannes de gaz, fermetures de serres et de clapets.

La métallurgie de l'espace

Avec les alliages ultralégers et ceux à mémoire de forme, la métallurgie n'a pas dit son dernier mot dans cette compétition des nouveaux matériaux. Certains alliages métalliques figureront parmi les matériaux du siècle à venir. Parmi les voies dans lesquelles ils sont assurés d'un avenir prometteur figurent notamment les supraconducteurs qui, à très basse température, permettent de faire circuler l'électricité sans perte énergétique.

En pleine effervescence, les recherches dans ce domaine s'orientent vers des matériaux organiques et des céramiques avec lesquels on espère faire remonter le seuil de supraconductibilité vers la température de l'azote liquide, où la manipulation et la mise en œuvre de ces matériaux sera plus aisée, en attendant la température ambiante, puisque des chercheurs de la Wayne State University de Détroit auraient atteint – 33 °C !

La métallurgie spatiale constitue, enfin, l'un des grands espoirs pour les matériaux de demain. En apesanteur ou en micropesanteur, il devient possible de réaliser des alliages entre des métaux de densités très différentes, ce qui est inconcevable sur Terre. C'est le cas, par exemple, de l'aluminium-titane, dont les densités respectives sont de 2,6 et de 19. Produit dans l'espace, il procurerait un matériau réfractaire très léger. Il en va de même pour des alliages néodyme-cobalt ou cérium-manganèse, qui pourraient constituer d'excellents matériaux magnétiques. C'est une voie nouvelle qu'on commence seulement à explorer dans le cadre d'études prospectives sur les « usines de l'espace ».

Claude Gelé
Ingénieur mécanicien, Claude Gelé est journaliste scientifique et technique, spécialisé dans les technologies de la productique et des automatismes. Il appartient à l'équipe de rédaction de Sciences & Techniques et collabore à plusieurs ouvrages encyclopédiques