Ce foisonnement et cette interpénétration des nouveaux matériaux nous réservent encore bien des surprises qui vont profondément bouleverser le monde industriel – c'est le cas dans l'aéronautique et l'automobile – et influer sur la conception et l'utilisation des objets de notre vie quotidienne (Voir le chapitre le Monde des matériaux dans Vivre la révolution de l'intelligence, par André-Yves Portnoff (Sciences & Techniques, no 31, novembre 1986).).

De nouveaux avions en composites

Au Salon du Bourget, qui s'est tenu en juin, on a pu mesurer l'impact des composites dans les programmes aéronautiques et spatiaux en cours. Dans les années soixante-dix, les composites remplaçaient sur les avions des pièces secondaires, habillages internes ou trappes. Sur les appareils actuels, comme l'Airbus A 310, ils constituent des pièces actives comme les aérofreins et les ailerons. L'empennage vertical de cet avion, en carbone pré-imprégné, conçu par Messerschmitt-Bolkow-Blohm, pèse 24 p. 100 de moins que l'équivalent métallique, soit un gain de 157 kg. Sur l'Airbus A 310, qui utilise actuellement 4,5 tonnes de composites, le gain de masse atteint 20 p. 100 du poids total de l'appareil.

Cette course à la légèreté s'explique : chaque fois qu'on remplace une pièce métallique par des fibres de verre, d'aramide ou de carbone, enrobées de résine, la masse de l'avion diminue ; la puissance nécessaire des moteurs est également réduite, d'où un gain « en cascade ».

Sur l'avion de transport régional ATR 42, l'Aérospatiale accroît l'auto nomie de vol de près de 100 km pour chaque centaine de kilos ainsi gagnée. Sur cet appareil, la part des composites est de 20 p. 100, tandis que son successeur, l'ATR 72, atteindra 30 p. 100, avec notamment des voilures entièrement en composite carbone, qui constitueront une première pour un avion de ligne.

Des solutions « tout composite » existent déjà sur certains appareils en cours de développement dans l'aviation légère comme le Starship ou le Seastar, tandis qu'aux États-Unis Lockheed expérimente des structures de fuselage par enroulement filamentaire. En France, les études les plus avancées, conduites par la Société européenne de propulsion, portent sur l'avion-navette européen Hermès. Pour protéger l'appareil lors de son retour dans l'atmosphère terrestre et lui permettre de résister à des températures de l'ordre de 1 500 °C, on utilise une triple structure de fibres de carbone, de carbure de silicium et de silice. Notons qu'Hermès sera conçu en matériaux thermo-structuraux pour assurer en même temps la protection thermique et la structure porteuse de l'engin, alors que sur la navette américaine on a recours à la simple adjonction d'un bouclier thermique (Alain Perez, Industries & Techniques, Spécial Technologie, 1987.).

Enfin, dans les hélicoptères, la proportion des composites frôlera bientôt 40 p. 100 de la masse de l'appareil. Ce sera le cas du prochain modèle du Dauphin d'Aérospatiale ou de l'hélicoptère Acap (Advanced Composits Airfram Program) de la société américaine Bell et Sikorsky. Les composites permettent en outre de créer des formes complexes pour combiner plusieurs fonctions. L'exemple le plus souvent cité est le rotor Starflex du Dauphin : 50 kg de gain de masse, 92 pièces seulement au lieu de 293 et aucun point de lubrification à assurer !

Les grandes manœuvres industrielles

Tous les grands groupes industriels de la chimie et de la métallurgie créent des divisions de matériaux avancés (Voir l'étude de Claude Vincent dans le cahier Spécial Technologie de la Vie française du 12 mai 1986, ainsi que l'article d'Alain Perez, « Industrialisation : à petits pas, à grands frais », Industries & Techniques, 21 novembre 1987.). Au Japon, Nippon Steel, Kawasaki et Nippon Koka se lancent dans la fibre de carbone et Kobe Steel a créé, cette année, une division composite pour la mise au point de disques de frein d'automobiles et de motos.

La firme allemande BASF a repris l'activité composite de Celanese aux États-Unis, et installe à Ludwigshafen un centre spécialisé. Du Pont de Nemours a acquis de la Société européenne de propulsion la licence d'un procédé de fabrication de composites céramiques et construira une usine de Kevlar en Irlande. General Electric Plastics se lance dans les thermoplastiques renforcés estampables. Rhône-Poulenc a racheté Céraver pour acquérir des compétences en céramiques techniques...