Un autre aspect très concret porte sur l'affectation, par l'État, des sommes perçues lors des opérations de privatisation. Pour compenser les prélèvements sur l'épargne nationale, les pouvoirs publics envisageaient de réinjecter dans l'économie les 2/3 des sommes recueillies en remboursant une partie de la dette publique ; le tiers restant devait être consacré à doter en capital des entreprises nationalisées. Il semble qu'un pourcentage supérieur ait été affecté aux dotations en capital.

Une dernière interrogation concerne un objectif social des privatisations, le développement du capitalisme populaire. Le nombre des souscriptions émanant de particuliers témoigne du succès, en la matière, des privatisations. Il subsiste une inconnue : savoir si l'on assiste à un changement durable du comportement des Français face à la Bourse, ou si, comme en Grande-Bretagne, le nombre des nouveaux actionnaires va fondre comme neige au soleil.

Sur le plan pratique, les privatisations soulèvent donc bon nombre de problèmes qui sont loin d'être tous résolus. Malgré leur importance et leur côté spectaculaire, les dénationalisations ne représentent pas, à elles seules, la totalité du processus de privatisation que connaît actuellement la France.

Privatisations et services publics

Un second volet des privatisations se situe dans les services publics, et notamment les services locaux. Il ne s'agit pas de cession de propriété, mais du transfert au secteur privé de la responsabilité de la production de services collectifs. Les raisons de cette opération sont multiples : élévation du niveau de vie et donc exigences accrues de la part de la population, technicité des nouveaux services (câblage), loi de décentralisation, climat de libéralisme enfin.

Les responsables sont conduits à rechercher les modalités de gestion les plus efficaces. Le choix se porte entre la gestion directe (régies) et la gestion déléguée (affermages, concessions). Malgré la rareté des données chiffrées fiables, l'observation du comportement des élus, en admettant leur souci de bonne gestion, montre qu'il n'y a pas de déterminisme simple dans ce domaine. On constate notamment qu'il n'est pas de relation nécessaire entre le fait qu'un service soit vendu (marchand) ou financé par la fiscalité (non marchand) et sa production publique ou privée : l'entretien des jardins publics est souvent confié à des entreprises privées alors que la gestion des cantines scolaires est en général directement assurée par la commune. Il arrive aussi que dans deux communes distinctes un service soit produit selon deux modalités différentes dans des conditions de coût comparables. Dans une commune, un service peut être à la fois produit en gestion directe et en gestion indirecte : par exemple, l'entretien des bâtiments publics.

La privatisation de certains services publics apparaît ainsi être surtout la preuve de l'adaptation de la gestion locale aux nouvelles conditions d'environnement et d'activités. Il convient de souligner que le carcan du droit et de la comptabilité publics n'est guère incitatif à l'efficacité. Il a freiné pendant longtemps l'évolution nécessaire.

L'État et l'entreprise

Il existe donc actuellement en France un processus de reprivatisation de l'activité économique. Il convient de s'interroger plus à fond sur les problèmes que soulève ou que résout ce phénomène. Un premier aspect de la question est politique. Il est de savoir quel doit être le rôle de l'État dans une économie moderne et selon quelles modalités il doit intervenir. Deux remarques s'imposent à ce sujet. D'abord, il semble exister dans le monde politique français un large consensus sur les deux points suivants : les dénationalisations récentes sont irréversibles, et il n'est pas question de privatiser des entreprises ou organisations en situation de monopole, comme par exemple EDF-GDF, la SNCF ou la DGT. Ensuite, il est indispensable de replacer le problème dans son contexte historique. La responsabilité de l'État n'est pas la même lorsqu'il s'agit de reconstruire un pays détruit par la guerre ou de gérer une économie en relative bonne santé. Ce qui était une nécessité absolue en 1945 ne s'impose peut-être plus en 1987. L'évolution de la planification française est exemplaire à cet égard.