Journal de l'année Édition 1987 1987Éd. 1987

Point de l'actualité

Dégel à Stockholm

Conférence sur le désarmement en Europe

Élément majeur du processus multilatéral de sécurité en Europe engagé à la suite de l'acte final d'Helsinki (août 1975), la Conférence sur le désarmement en Europe s'est ouverte à Stockholm en janvier 1984. But de l'opération : diminuer les risques de tension et de confrontation militaire sur la totalité du Vieux Continent, de l'Atlantique à l'Oural. Alors même que les négociations de Vienne sur la réduction des armements classiques piétinent depuis 13 ans, le programme de la Communauté de défense européenne pouvait sembler au-dessus des moyens de 35 nations réunies dans la capitale suédoise. Et pourtant, la quatrième session s'est achevée, le 22 septembre 1986, par un accord.

Confiance, sécurité et désarmement

Fidèle à la logique qui préside habituellement à ce genre de rencontre, l'URSS réitérait ses propositions sur le non-recours à la force, sur le non-emploi en premier de l'arme nucléaire, et sur la création de zones dénucléarisées. Autant d'accords globaux et de principe que l'Alliance atlantique ne manquait pas d'épingler comme tels, allant même jusqu'à les assimiler à des déclarations d'intention dont la charte des Nations Unies n'est pas avare. Pour Moscou, les prétendues initiatives américaines n'avaient qu'un seul but, essayer de révéler les structures défensives du pacte de Varsovie. L'antagonisme des deux blocs restait intact et il fallait attendre décembre 1984, pour qu'à l'initiative des Neutres, et en particulier à celle de la Finlande, un accord sur les procédures de travail soit entériné. Les pourparlers se sont accélérés en 1986. Nul doute que R. Reagan et M. Gorbatchev n'aient eu intérêt à un bon accord. Si en URSS le crédit politique du numéro un soviétique n'est pas illimité, le président américain, quant à lui, approche de la fin de son mandat. Son intransigeance sur les questions de contrôle des armements est controversée, et par l'opinion publique, et au sein du Congrès. Enfin que ni le bombardement aérien sur Tripoli ni l'affaire Daniloff n'aient pesé sur les négociations ne peut se réduire aux seules vertus du processus multilatéral.

L'esprit d'Helsinki ?

Les freins mis à l'activisme diplomatique soviétique tous azimuts et à l'intransigeance américaine ont permis d'adopter un ensemble de mesures contraignantes de confiance et de sécurité. Les 35 États signataires s'engagent à « s'abstenir de recourir à la menace ou à l'emploi de la force dans leurs relations avec tout État... » Sont également inclus dans le document final de la Conférence de Stockholm : la notification préalable de certaines activités militaires (notamment les manœuvres), leur observation à partir d'un seuil de 17 000 soldats, ainsi que les calendriers annuels de ces activités. La question de la conformité et de la vérification de ces dispositions contraignantes a fait l'objet de réelles avancées de la part de Moscou. Outre les moyens techniques de contrôle, euphémisme désignant l'usage de satellites, il est également notifié que « chaque État participant a le droit d'effectuer des inspections sur le territoire de tout autre participant ». L'inspection pouvant être terrestre ou aérienne, le choix des avions ou des véhicules sera fait « d'un commun accord ».

Ouverte dans un climat politique peu clément – pour mémoire, rupture des négociations de Genève, déploiement des missiles américains en Europe et épisode du Boeing sud-coréen abattu par la chasse soviétique –, la Conférence de Stockholm apparaît à bien des égards comme un succès. Il n'en demeure pas moins que la négociation a revêtu dans les dernières semaines un caractère accentué de bloc à bloc que nombre de pays participants ont jugé contraire à l'esprit d'Helsinki. On pouvait se consoler en espérant que la rencontre de Reykjavik entre R. Reagan et M. Gorbatchev bénéficierait de cette embellie ; de toute évidence, le ciel s'est couvert en Islande.

Philippe Faverjon