L'appel de Peter Benenson est largement entendu. Un mois plus tard, il a reçu plus d'un millier de lettres proposant de l'aide. Il crée un bureau à Londres et, dès novembre, pour bien fixer les bases de ce mouvement, dont l'objectif est d'obtenir une amnistie pour tous les prisonniers d'opinion politique et religieuse, il « adopte » trois captifs : l'un à l'Est, le philosophe roumain Constantin Noica ; le deuxième à l'Ouest, le poète et journaliste Cristobal Vega Alvarez ; le troisième représente le tiers monde, c'est le médecin et poète Agostinho Neto, le futur président de l'Angola.

Quatre objectifs

Amnesty International s'est fixé quatre grands objectifs :

1. La libération immédiate et sans condition de tous les prisonniers d'opinion. Depuis 1961, plus de 30 000 prisonniers ont été pris en charge ; en 1985, 4 562 prisonniers ont été adoptés ou ont fait l'objet d'une enquête.

Un exemple : en novembre 1986, Amnesty International lance un appel pour Recep Marashi, âgé de 30 ans. Cet éditeur turc publie essentiellement des livres sur l'histoire et la culture kurdes.

Or, cette ethnie de 6 à 8 millions de personnes n'est pas officiellement reconnue par les autorités. À l'issue de plusieurs procès, Marashi totalise une peine de 36 ans de prison.

2. L'obtention pour les prisonniers politiques d'un procès équitable devant un tribunal compétent, indépendant et impartial.

Deux exemples : Vu Ngoc Truy, ancien avocat vietnamien de 71 ans, est détenu à Chi Hoa depuis juin 1978 sans inculpation ni procès et sans fixation d'un terme. Au Salvador, deux frères sont en instance de jugement sous l'inculpation de participation à l'enlèvement du chef de l'aviation civile. Les seuls éléments de preuves retenus contre eux seraient leurs aveux, qui leur auraient été arrachés sous la torture et qu'ils auraient été obligés de répéter publiquement à la télévision.

3. L'abolition totale de la torture. La torture est proscrite par le droit international et, pourtant, selon les estimations d'Amnesty, près du tiers des gouvernements du monde ont infligé des traitements cruels depuis le début de la présente décennie. Les informations sont difficiles à obtenir, les autorités faisant souvent disparaître les preuves. Cependant, Amnesty s'est occupée depuis 1980 de plus de 3 000 prisonniers.

4. L'abolition totale de la peine de mort. La peine de mort tend à reculer : à la fin de 1985, elle était abolie dans 28 pays et maintenue dans 17 autres pour des crimes exceptionnels ; néanmoins, Amnesty a recensé 1 125 exécutions en 1985 dans 44 pays, et 1 489 condamnations capitales dans 61 pays. Encore estime-t-elle ces chiffres comme étant au-dessous de la réalité.

500 000 membres dans le monde

Aujourd'hui, Amnesty International est un mouvement structuré, qui compte plus de 500 000 membres à travers plus de 150 pays et territoires.

Le Secrétariat international de Londres est composé de 200 permanents, salariés, représentant une trentaine de nationalités. Il est divisé en deux départements : le département des programmes et le département de la recherche. Le premier est chargé d'animer et de coordonner l'activité des sections, soit 3 400 groupes. De nombreuses publications diffusent les informations sur la situation des droits de l'homme, notamment le mensuel Chronique d'informations internationales. Dans ce journal, les membres d'Amnesty prennent connaissance chaque mois de trois cas de prisonniers d'opinion.

Le département de la recherche compte une centaine de personnes, journalistes ou universitaires. Aucun chercheur ne s'occupe de son pays d'origine. Chaque région géopolitique – les deux Amériques, les Caraïbes, l'Europe, le monde arabe, le Moyen-Orient, l'Afrique (de l'Afrique du Sud au Sahara), l'Asie – est confiée à une équipe de trois ou quatre chercheurs et cinq ou six assistants. Grâce à un réseau de télécommunications et des services juridique et médical, ils contrôlent la rédaction des dossiers individuels des prisonniers pour les adoptions. Ils sont responsables des études, des rapports et des communiqués de presse sur la situation politique et la répression dans ces pays. Ils proposent un programme d'action (missions, campagnes, interventions, actions urgentes, publications).