Pourtant, ce fut le déclin du PCF qui focalisa l'attention de la classe politique. Il se poursuivait inexorablement : 21,41 p. 100 des suffrages exprimés aux législatives du 4 mars 1978 ; 15,34 p. 100 aux présidentielles du 26 avril 1981 ; 11,20 p. 100 aux européennes du 17 juin 1984 ; 9,78 p. 100 aux législatives du 16 mars 1986. Jamais depuis 1924 (9,84 p. 100) les voix recueillies par ce parti n'avaient été aussi peu nombreuses. Devancé même par le Front national, il n'était plus que la cinquième force politique du pays. Sa faiblesse était telle que le PS, malgré sa bonne tenue électorale (32,65 p. 100 des suffrages exprimés), ne pouvait plus espérer reconquérir la majorité au Parlement et donc le contrôle du pouvoir avec le seul concours de son ancien partenaire. Dès lors, les dirigeants socialistes étaient condamnés à rechercher des alliés de substitution au centre gauche, où ils s'étaient déjà étroitement associés au MRG, qui leur devait, en fait, sa survie politique. Problème en apparence insoluble.

D'ailleurs, les temps s'y prêtaient-ils ? Sûrement pas, et cela en raison d'une conjoncture économique et sociale défavorable au pouvoir en place. Dépôts de bilan multipliés, chômage accru, insécurité subie ou ressentie, autant de raisons pour l'électorat de ne pas renouveler à la gauche le bail de confiance qu'il lui avait consenti en 1981. Mais il y a plus. Une analyse fine du résultat des votes exprimés le 16 mars révèle que l'évolution en profondeur de la structure de la société française semble agir dans le même sens, malgré une homogénéisation certaine du vote des hommes et de celui des femmes. Électeurs âgés de plus de 34 ans, inactifs, travailleurs indépendants, agriculteurs, catholiques pratiquants ou non et même salariés disposant d'un revenu mensuel supérieur à dix mille francs demeurent majoritairement fidèles à la droite et accordent leurs suffrages au RPR et à l'UDF. Par contre, la gauche ne peut garder intacts ses bastions traditionnels. Certes, elle maintient ses positions dans la fonction publique, dont elle garantit l'emploi sous le couvert d'un statut protégé, mais elle ne peut empêcher la dérive droitière des employés du secteur privé, ce qui réduit à 50 p. 100 le nombre des salariés qui lui accordent encore ses suffrages en 1986. L'évolution technologique défavorise aussi sa composante communiste, puisqu'elle entraîne rapidement la réduction de la main-d'œuvre et donc de la classe ouvrière, qui est le support naturel du PCF, au profit des employés et des cadres moyens, qui votent plus volontiers pour le PS.

Mais l'avenir immédiat de la gauche, prise dans son ensemble, n'est-il pas encore menacé par la désaffection des jeunes électeurs à son égard ? Convaincus sans doute qu'il ne peut y avoir de solution idéologique à la crise économique, ceux-ci ont accordé le 16 mars la majorité de leurs suffrages aux divers partis de droite : 50 p. 100 pour la classe d'âge des 18-24 ans et même 53 p. 100 pour celle des 18-20 ans. C'est là un phénomène politique entièrement nouveau.

Dès lors, une question se pose : la double victoire remportée par François Mitterrand et par les socialistes en 1981 a-t-elle bien marqué une inversion, dans la longue durée, du rapport des forces opposant la gauche à la droite, rapport qui s'est toujours situé depuis la Seconde Guerre mondiale dans une fourchette électorale comprise entre 40 et 60 p. 100 ? À deux reprises, ce mécanisme a fonctionné au bénéfice de la gauche : de 1946 à 1958 et de 1981 à 1986. Une fois, la droite en a tiré longuement profit de 1958 aux années charnières 1978-1981. Mais on peut aussi se demander si le déferlement de la vague rose en 1981 n'a été qu'un accident de parcours. La victoire remportée par le RPR et par l'UDF aux élections sénatoriales du 28 septembre 1986 ne permet pas de trancher le débat, puisqu'elle ne fait que traduire, au niveau de la haute assemblée, l'ampleur des succès remportés par l'Union pour la nouvelle majorité aux élections municipales, cantonales et législatives antérieures. Les résultats des élections législatives partielles de ce même 28 septembre présentent plus d'intérêt. En portant de 43,10 p. 100 à 45,93 p. 100 le nombre des suffrages exprimés en faveur de la liste UDF-RPR, les électeurs de Haute-Garonne ont, à l'évidence, refusé de donner au gouvernement en place l'habituel avertissement sans frais que les électeurs lui adressent souvent après six mois d'exercice du pouvoir. Par là-même n'ont-ils pas répondu par avance à la question que nous nous posions au début de ce paragraphe ? Il faut y réfléchir en se rappelant toutefois qu'une élection départementale n'a pas la valeur d'une consultation à l'échelon national et qu'en politique ce qui paraît sûr n'est jamais certain.