En 1986, le FMI fait souvent office de gouverneur d'antan : les disciplines ainsi imposées sont saines en dépit des protestations des classes dirigeantes. La zone franc continue à attirer plus qu'elle ne contraint.

Derrière les péripéties, il faut discerner la « longue période » des nouveaux historiens : c'est la croissance démographique, c'est l'explosion urbaine, c'est l'expansion des langues européennes malgré la médiocrité de l'enseignement, c'est le progrès des religions venues d'ailleurs : islam et aussi christianisme.

L'Afrique évolue, en profondeur et, en gros, vers une plus grande intégration avec le reste de l'Univers, par le progrès foudroyant des communications, par l'accroissement du nombre des individus touchés par le monde extérieur. Ce qui condamne inéluctablement le régime sud-africain, c'est qu'il ne pourrait subsister que dans un monde clos. Or le monde de 1986 est de plus en plus ouvert, et l'Afrique en fait de plus en plus partie.

Bernard Lanne

Amérique du Nord

États-Unis

Les prévisions pessimistes l'ont emporté : la croissance américaine restera inférieure à 3 p. 100. La baisse du prix des matières premières et du dollar n'a pas donné tous les résultats espérés. La maîtrise de l'inflation et du chômage sont des atouts, mais on a pu observer certains effets inquiétants : la baisse du prix du pétrole a déprimé l'économie des États producteurs et déstabilisé le système bancaire déjà touché par la crise du secteur agricole. La chute du dollar n'a pas permis de réduire le déficit commercial, qui atteint cette année 130 milliards de dollars. La restructuration industrielle en cours, par la spécialisation dans les secteurs de pointe d'industrie à haute technologie et dans les services, ne peut pas encore avoir d'effet visible. Dans cette situation, les tentations protectionnistes sont fortes. C'est pour les contrer que les États-Unis veulent forcer leurs principaux partenaires et concurrents à ouvrir le plus possible leurs frontières et qu'ils ont donc relancé les négociations commerciales multilatérales. L'administration américaine a ainsi tenté d'imposer, dans le cadre du GATT, une libéralisation des échanges dans le secteur prometteur des services. Ce libéralisme est pourtant ambigu puisque les É.-U. n'ont pas hésité à menacer la CEE de mesures de rétorsion si les céréaliers américains n'avaient pas accès aux marchés espagnol et portugais. Cette guerre commerciale est évitée par un accord provisoire.

Le déficit budgétaire reste préoccupant. La loi Gramm-Rudman qui vise à le réduire jusqu'à l'équilibre en 1991 n'est pas encore appliquée. La longue négociation entre le Congrès et la présidence sur les choix budgétaires se poursuit. On estime le déficit à 220 milliards, alors que l'objectif de la loi est de le ramener à 144 milliards en 1987. La réduction prévue, de 50 milliards, ne permettra pas d'atteindre ce but. C'est notamment le contrôle des dépenses militaires qui oppose les deux pouvoirs, l'exécutif étant contre leur réduction. Malgré cette résistance, les crédits pour la « guerre des étoiles » ont été limités.

Le Congrès a adopté la réforme fiscale, une des mesures de relance envisagées par le président Reagan. Sans incidence sur le montant global des recettes, la réforme est fondée sur une nouvelle répartition de la fiscalité : la diminution des impôts sur le revenu est compensée par une augmentation de la charge pesant sur les entreprises. Elle exonère 6 millions d'Américains et réduit les taux et tranches d'imposition : pour l'impôt sur le revenu, deux tranches de 15 p. 100 et de 28 p. 100 au lieu des 14 tranches de 11 p. 100 à 50 p. 100, le taux maximal de l'impôt sur les bénéfices étant ramené de 46 à 34 p. 100. En supprimant un ensemble d'avantages et de déductions, cette réforme pourrait avoir des effets contraires sur l'économie américaine. Les déceptions économiques expliquent peut-être l'échec relatif des républicains aux élections législatives du 4 novembre. Les démocrates dominent désormais les deux chambres du Congrès. Les deux dernières années de mandat présidentiel s'annoncent difficiles pour Ronald Reagan.

Canada

Le gouvernement conservateur de Brian Mulroney a dû affronter cette année des difficultés politiques internes (avec la démission du ministre de l'Industrie) et résoudre de sérieux problèmes économiques. Les négociations bilatérales avec les États-Unis en vue de créer une zone de libre échange nord-américaine ont finalement été ouvertes en avril. Leur succès suppose pourtant que soient vaincues les pressions protectionnistes catégorielles et régionales. Le Québec et l'Ontario s'opposent en effet à l'institution d'un tel marché commun. M. Mulroney a par ailleurs atteint, au moins partiellement, un de ses objectifs lors du sommet de Tokyo : associer le Canada aux travaux du groupe des cinq ministres des Finances.