Au pied des murailles vient s'installer un faubourg rural, puis le tissu urbain s'organise avec un réseau de rues orthogonales reliant la voie sur berge, ou rue des Orties, à l'ancienne voie Saint-Honoré. Ce quadrillage, qui révèle une exploitation raisonnée du terrain, définit (dans le périmètre de l'actuelle cour Napoléon) trois îlots s'articulant nord-sud autour des rues Fromenteau et Saint-Thomas-du Louvre. Dès le milieu du xiiie siècle, le faubourg possède, comme l'indique P. J. Trombetta, « toutes les institutions liées à l'urbanité médiévale » : une collégiale dédiée à saint Thomas ; un hôpital, celui des Quinze-Vingts, créé en 1254 par Saint Louis ; un marché et une rue réservée à la prostitution, la rue du Champ-Fleuri. Charles V englobe le faubourg dans la ville en reculant la muraille jusqu'à l'actuelle place du Carrousel. Entre 1369 et 1380, il entreprend l'aménagement du château en résidence royale, sans modifier les abords de la forteresse. Dès le règne de son successeur, le Louvre est laissé à l'abandon. L'occupation anglaise fait fuir les rois de France, qui s'attardent sur les rives de la Loire. Mais le quartier continue de vivre, peuplé d'artisans et de commerçants, « honorables gens » qui constituent en fait le premier échelon de la bourgeoisie.

C'est François Ier qui, voulant faire du Louvre sa résidence principale et trouvant que « ce chastel a l'air bien renfrogné », décide de raser la forteresse de ses ancêtres pour édifier un palais dans le goût italien. Les premiers travaux, confiés à Pierre Lescot, se poursuivent sous ses successeurs. L'installation du roi au Louvre entraîne une évolution du quartier qui change radicalement d'aspect à la charnière des xvie et xviie siècles. La petite bourgeoisie recule vers l'ouest tandis qu'emménage la noblesse de cour.

En 1624, par le célèbre édit « du Grand Dessein du Louvre », Louis XIII décide l'édification de l'actuelle cour Carrée, quatre fois plus vaste que l'ancienne cour intérieure. Louis XIV reprend le projet et publie l'ordonnance de 1660 qui entraîne la destruction des habitations privées entre la rue Fromenteau et la rue de Beauvais. Mais, en 1683, le Roi-Soleil s'installe à Versailles ; la noblesse déserte le quartier. Le palais est divisé en appartements, dont certains sont cédés aux Académies de peinture. Dès 1793, certaines salles d'exposition sont ouvertes au public. Peu à peu, le château royal se transforme en musée.

Le château médiéval

Le 19 mars 1984, la cour Napoléon s'entoure de palissades, la cour Carrée s'enferme dans ses murs : les pelleteuses font sauter les pavages. Deux chantiers parallèles – et même quelque peu antagonistes – sont en place, avec des objectifs et des méthodes différentes.

Celui de la cour Carrée, mené en un an par Michel Fleury, qui venait d'être remplacé à la direction des Antiquités historiques d'Île-de-France par Yves de Kisch, a permis d'exhumer les restes du château médiéval. La campagne de 1984-85 a dégagé les soubassements du donjon et de l'enceinte qui l'entourait sur une hauteur de 7 m (Journal de l'Année 1985). Le fossé de la grosse tour, qui était un fossé sec, alors que les douves extérieures étaient remplies d'eau et alimentées par la Seine, a été remblayé en 1528 ; la terre de remblai, apportée des environs, n'a pu être traitée en fouille fine : elle a été simplement triée sur un tapis roulant et passée au détecteur à métaux, méthode expéditive certes, et décriée par plus d'un archéologue, mais qui avait peut-être sa raison d'être, compte tenu du cubage qu'elle représentait et du calendrier serré à respecter. Les parties habitées, le puits du donjon et le fond des fossés ont été analysés avec plus de précautions : parmi les débris de végétaux, les déchets culinaires et les innombrables tessons de poterie domestique qu'ils contenaient, quelques pièces rares, comme les éléments d'une couronne de cuivre doré portant la devise « En Bien », qui était celle de Charles VI, ainsi que deux pennons émaillés, dont l'un orné d'un cerf ailé entouré par trois lis, emblème du même souverain.

La ville que l'on cherche

Ni château ni couronne de l'autre côté du pavillon de Sully ; c'est la ville que l'on cherchait. La ville et ses multiples aspects : la voirie, les maisons et leurs occupants, les habitudes domestiques, les activités professionnelles. Tout ce que taisent les archives. Et tout ce qu'elles ne taisent pas, qu'il faut vérifier, nuancer, compléter... Ce vaste chantier de deux hectares et demi, programmé sur deux ans, employant plus de 80 personnes à plein temps, dont une équipe d'archivistes, une photothèque et des ateliers de restauration installés sur le site, a suscité bien des curiosités et des jalousies. Mais l'heure n'est plus à la polémique. La publication du compte-rendu des fouilles offrira une vision globale des résultats et permettra de trancher un certain nombre de questions.