Au cours de l'été 1986, l'US Air Force a décidé d'investir 2,6 milliards de dollars sur environ cinq ans pour modifier certains satellites militaires conçus pour la navette, et développer et fabriquer en série de nouveaux lanceurs classiques, tels les Titan 4 et MLV. Par ailleurs, pour préserver les capacités de la NASA à assurer les diverses missions civiles et militaires devant lui incomber durant les années 90, notamment la mise en orbite et la desserte d'une station spatiale mais aussi les essais de systèmes d'armes de défense à partir de l'espace, Ronald Reagan a autorisé la construction d'un nouvel exemplaire de la navette, destiné à remplacer Challenger. Son coût est estimé à 2,8 milliards de dollars.

Plusieurs centaines de millions de dollars devront par ailleurs être dépensés pour modifier les navettes existantes et adapter certains satellites dont le lancement devait être effectué par la navette. L'explosion de Challenger représente ainsi pour les États-Unis une addition de près de 6 milliards de dollars, sans compter l'achat des nouvelles fusées qui seront utilisées pour lancer les charges utiles retirées à la navette, ni le manque à gagner des utilisateurs. Mais cet accident tragique n'aura été que l'épisode le plus noir d'une année particulièrement sombre pour l'astronautique américaine, en dépit de l'éclatant succès de la mission de survol d'Uranus par Voyager 2.

Le 18 avril, sur la base militaire de Vandenberg, un lanceur Titan 34D, transportant probablement un satellite de reconnaissance Big Bird, explose 9 secondes après sa mise à feu, à moins de 500 m d'altitude. La retombée d'une pluie de débris enflammés endommage sévèrement les plates-formes de lancement avoisinantes, tandis que plusieurs dizaines de personnes sont intoxiquées par des vapeurs nocives. L'utilisation des lanceurs Titan est suspendue jusqu'en 1987.

Le 3 mai, une fusée Delta, emportant une satellite météorologique GOES, se désintègre en vol 71 secondes après le décollage, par suite de l'extinction prématurée d'un moteur, consécutive à un court-circuit. L'échec est d'autant plus marquant qu'il survient après 117 tirs successifs réussis d'un lanceur de ce type. Tirée à 178 reprises depuis 1960, la fusée Delta n'a connu que 3 p. 100 d'échecs et apparaît comme l'un des lanceurs américains les plus fiables.

Les assurances spatiales : un bilan catastrophique

Le premier satellite commercial à avoir été assuré fut Early Bird (Intelsat 1), premier satellite de télécommunications géostationnaire opérationnel, lancé de cap Canaveral, le 4 avril 1965. Depuis lors, la formule de l'assurance spatiale s'est largement développée (en particulier, presque tous les satellites de télécommunications ont été assurés), sans que le marché parvienne néanmoins à trouver son équilibre.

De 1975 à 1985, le montant mondial des primes d'assurances encaissées pour le spatial a été de 456,3 millions de dollars et celui des sinistres payés de 846,3 millions de dollars, soit un déficit de 390 millions de dollars. Pour la fusée Ariane seule, durant la même période, le montant des primes encaissées s'est élevé à 114,5 millions de dollars et celui des sinistres payés à 199,8 millions de dollars. Ce bilan très déficitaire a provoqué au cours des dernières années une hausse considérable des primes qui atteignent désormais entre 20 et 25 p. 100 des prix des satellites, soit entre 80 et 100 millions de dollars environ par lancement. Si de puissantes organisations comme Intelsat peuvent supporter de tels tarifs, ces taux sont, en revanche, devenus prohibitifs pour de nombreux clients. Cette situation a conduit la société Arianespace, qui commercialise la fusée Ariane, à créer une filiale, la Société de réassurance des risques relatifs aux applications spatiales (S3R), pour offrir à ses clients une garantie de relancement en cas d'échec, grâce à une « assurance lanceur » complémentaire de celle fournie par le marché traditionnel. Les lancements sont assurés non plus au coup, mais par série de quinze (pour répartir le risque), au taux préférentiel de 11 ou 13 p. 100 selon que l'utilisateur, en cas de sinistre, choisit de relancer son satellite sur Ariane ou d'être remboursé.