Enfin, le 28 janvier 1986, l'explosion en vol de Challenger cause la mort de sept Américains membres de l'équipage : Francis R. Scobee, Michael Smith, Judith Restnik, Ronal McNair, Ellison Onizuka, Gregory Jarvis et Sharon Christa McAuliffe.

D'autres vols spatiaux ont connu une heureuse issue après avoir failli tourner à la catastrophe. Ainsi, le vol américain Gemini 8, le 16 mars 1966, qui fut l'occasion du premier amarrage dans l'espace : Neil Armstrong et David Scott rattrapèrent en orbite une fusée Agena choisie comme cible et y accouplèrent leur vaisseau ; mais, par suite du blocage d'un moteur de stabilisation, ce train spatial se mit à tourner follement sur lui-même. Les deux astronautes parvinrent difficilement à rendre à leur cabine son autonomie et durent ensuite écourter leur vol pour amerrir précipitamment.

Lors du vol Apollo 13, en avril 1970, on frôla aussi le drame avec l'explosion d'un réservoir d'oxygène. L'alunissage fut annulé et la mission écourtée.

Le 4 avril 1975, il fallut mettre fin au vol propulsé de Soyouz 18 en raison d'une défaillance du lanceur. Le véhicule spatial soviétique, occupé par Vassili Lazarev et Oleg Makarov, n'accomplit qu'un vol suborbital et rentra dans l'atmosphère sous un angle qui valut aux cosmonautes de subir une décélération voisine de 16 g.

Enfin, le 27 septembre 1983, le lancement de Soyouz T10 à bord duquel avaient pris place Vladimir Titov et Guennadi Strekalov pour aller rejoindre la station orbitale Saliout 7, fut marqué par l'explosion de la fusée porteuse. Mais le système d'éjection fonctionna parfaitement et la cabine dans laquelle se trouvait l'équipage, après un bon balistique, revint se poser au sol, freinée par des parachutes, à 4 km de la plate-forme de lancement.

Le nouveau visage de la conquête spatiale

En vingt-cinq ans, la conquête spatiale nous est devenue si familière qu'elle nous apparaît maintenant presque banale. Pourtant, à la fin de 1986, ils n'étaient encore que 199 à avoir eu le privilège de voler dans l'espace : 128 astronautes lancés de cap Canaveral (parmi lesquels 121 Américains et 8 femmes) et 71 cosmonautes lancés de Baïkonour (parmi lesquels 60 Soviétiques et 2 femmes). Mais quelque 3 000 fusées et 3 500 satellites ont été tirés depuis 1957. L'URSS et les États-Unis n'ont plus le monopole de ces vols. Cinq autres pays ont, en effet, réussi à mettre en orbite autour de la Terre leurs propres satellites au moyen d'un lanceur national : successivement, la France en 1965, le Japon et la Chine en 1970, la Grande-Bretagne en 1971 et l'Inde en 1980. Depuis 1979, l'Europe a accédé, elle aussi, au rang de puissance spatiale, grâce au lanceur Ariane. Au club des puissances de l'espace s'ajoutent, par ailleurs, une douzaine de nations dépourvues de lanceurs mais qui construisent des satellites et en confient le lancement à des fusées étrangères ou à la navette américaine.

L'espace, aujourd'hui, n'est plus un théâtre d'opérations de prestige. Il est devenu l'enjeu d'une redoutable bataille commerciale, stratégique et politique. Le temps des exploits est révolu, nous entrons dans l'ère de l'exploitation du cosmos. Les satellites d'applications, utilisés par exemple comme relais de télécommunications ou pour l'observation de la Terre, constituent l'une des illustrations de cette ère nouvelle : celle de l'espace utile.

Les grands programmes spatiaux se situent désormais dans ce contexte. En construisant Ariane, l'Europe entendait garantir son indépendance pour la mise en orbite de satellites lourds et prendre sa part du marché international des satellites d'applications. On peut considérer aujourd'hui que cet objectif a été atteint. En seulement six ans et demi d'activité, Arianespace, première compagnie de transport spatial du monde, a accumulé près de 15 milliards de francs de commandes pour le lancement de 54 satellites, soit plus de la moitié du marché mondial des lancements commerciaux, face aux lanceurs américains et notamment à la navette. La société Arianespace aura même eu la satisfaction, en 1986, de pénétrer sur le marché nippon, des entreprises japonaises ayant en effet décidé de confier le lancement de trois satellites à la fusée Ariane, en 1988. Ainsi, malgré la fiabilité encore insuffisante à Ariane (78 p. 100 avec 4 échecs pour 18 tirs) et la nécessité de modifier le système d'allumage du moteur cryogénique du troisième étage après les échecs des vols 15 (septembre 1985) et 18 (mai 1986), imposant la suspension des lancements jusqu'en 1987, l'Europe peut-elle envisager avec optimisme son avenir spatial.

Plus de 6 000 objets en orbite autour de la Terre

Le 1er juillet 1986, à 0 h, selon le centre spatial Goddard de la NASA, la Terre comptait très exactement 6 076 satellites artificiels, au sens large du terme (satellites proprement dits, étages de fusées porteuses, débris divers). Sur ce total, 3 047 objets (50,2 p. 100) étaient d'origine américaine, 2 785 (45,8 p. 100) d'origine soviétique, les 244 autres (4 p. 100) se répartissant entre une vingtaine de pays. Cet ensemble ne représentait lui-même que 32 p. 100 des 16 860 objets ayant gravité autour de la Terre depuis le début de l'ère spatiale, dont plus des deux tiers se sont désagrégés dans l'atmosphère ou bien ont été récupérés au sol.

La catastrophe de Challenger

Aux États-Unis, la tragédie de Challenger aura eu pour conséquence, en revanche, une révision déchirante de la politique des lanceurs spatiaux, avec l'abandon du quasi-monopole dont bénéficiait la navette et un retour partiel à l'usage de propulseurs traditionnels. Dévoilée le 15 août par le président Reagan, la nouvelle politique américaine de lanceurs spatiaux retire à la NASA et à ses navettes les missions commerciales pour les confier au secteur privé, auquel se trouve garanti l'accès aux centres de lancement de cap Canaveral, en Floride, et de Vandenberg, en Californie. Désormais, seront essentiellement confiées à la navette « les charges utiles importantes pour la sécurité nationale, la politique étrangère, l'exploration de l'espace ou le développement de nouvelles technologies », c'est-à-dire, en fait, les charges utiles scientifiques ou militaires. Certaines missions commerciales « dans l'intérêt de la politique étrangère », notamment les lancements de satellites accompagnés d'astronautes étrangers, continueront toutefois d'être effectuées par le Shuttle (angl., navette). Mais, pratiquement, la NASA ne pourra plus souscrire de nouveaux contrats commerciaux pour les missions classiques, et en particulier les satellites de télécommunications qui constituent l'essentiel du marché.