Panorama

Introduction

Du fond des océans à l'espace lointain, la science, en 1985, a poursuivi ses conquêtes. Tandis qu'au large du Japon, dans la fosse de Nankai, l'équipage du submersible d'exploration français Nautile découvrait par 4 000 m de fond une « oasis de vie » au voisinage de sources hydrothermales, une équipe d'astronomes américains de Berkeley, dirigée par Charles Townes, annonçait qu'au terme d'une longue série de recherches et d'observations assidues, elle avait acquis la conviction de l'existence d'un vaste trou noir au centre de la Galaxie...

La technique aussi s'est plu, à sa façon, à jouer avec les extrêmes : la même année, nous avons vu des « ouvriers de l'espace » déployer autour de la Terre de grandes structures métalliques en prélude à l'assemblage de la future station spatiale américaine, et nous avons appris qu'une nouvelle barrière technologique venait d'être franchie par l'industrie de la micro-électronique, avec la production par les Japonais de circuits de mémoire vive rassemblant, sur une seule puce d'environ 60 mm2, un million d'unités d'information élémentaires.

Mais 1985, ce sont encore beaucoup d'autres événements intéressant la technologie : la mise en chantier du programme de lanceur lourd européen « Ariane 5 » et de l'avion spatial « Hermès » ; l'adoption, par 18 pays européens, d'une charte de coopération technologique et de 10 projets communautaires de haute technologie, dans le cadre du programme Eurêka proposé par la France ; le choix par l'armée américaine du système français de transmissions numériques RITA (Réseau Intégré de Transmissions Automatiques) ; les essais en vol du premier avion tactique à courbure variable, le F-III « AFTI » (Advanced Fighter Technology Integration), réalisé par Boeing, le lancement de nouvelles études en vue de la construction d'un lien fixe à travers la Manche entre la France et l'Angleterre...

Un autre domaine apparaît chargé de promesses : celui des biotechnologies. Ce terme s'applique aujourd'hui à toutes les techniques qui utilisent n'importe quel type de cellules vivantes (organismes entiers comme les microbes, ou micro-organismes participant à un tissu végétal ou animal qui se développe sur un milieu de culture) pour produire d'une façon contrôlée une substance déterminée à l'avance. Dans le domaine de la santé, les antibiotiques, la vitamine B12 ou les vaccins sont déjà produits depuis longtemps par fermentation. Mais les biotechnologies récentes apportent un souffle nouveau à l'innovation pharmaceutique. Elles permettent de se libérer des contraintes d'approvisionnement inhérentes aux produits extraits d'organismes humains ou animaux (insuline, hormone de croissance). Mais, surtout, elles donnent la possibilité d'obtenir des produits nouveaux en quantité suffisante pour effectuer des essais cliniques sur une grande échelle (interférons, hormones). L'enjeu justifie l'intérêt porté aux technologies spatiales par de grands laboratoires pharmaceutiques et dont témoignent les accords de coopération signés en juin par deux groupes de firmes pour des expériences d'électrophorèse et de cristallogenèse en apesanteur.

Les secteurs de pointe

Organisé à Paris au début de juin par le Centre d'étude des systèmes et technologies avancées (CESTA), le congrès Cognitiva a fourni une vue d'ensemble des progrès de l'intelligence artificielle, cette branche de l'informatique qui vise à faire simuler le raisonnement humain par des ordinateurs. Pour ce qui est de l'industrie, l'intelligence artificielle n'en est encore qu'à ses tout débuts : elle ne représente que 4,5 % du marché mondial de l'informatique. Mais tous les observateurs lui assurent un avenir confortable : dans le monde occidental, ce ne sont pas moins de 360 sociétés spécialisées qui se sont créées depuis cinq ans dans ce domaine. Le stade de développement atteint ouvre déjà la voie à d'intéressantes utilisations. On assiste à une prolifération rapide des systèmes experts, qui associent un mécanisme de raisonnement à une banque informatisée de données, et dont l'ambition est de simuler le diagnostic d'un expert dans un domaine déterminé. C'est principalement en médecine (aide au diagnostic médical), en construction informatique et dans le secteur bancaire que devrait se développer l'usage de ces machines au cours des prochaines années. La communication homme-machine en langage naturel et son corollaire, la traduction automatique, commencent à franchir la frontière qui sépare l'utopie de la réalité. Enfin, la robotique avancée progresse. Alors que les robots, du fait de leur niveau technologique, étaient restés jusqu'à présent cantonnés dans l'industrie, l'évolution de la technique et l'arrivée d'une troisième génération leur ouvrent l'accès à un champ d'intervention bien plus vaste : aide aux tâches domestiques, surveillance de locaux, assistance médicale, aide aux handicapés, etc. L'exposition de Tsu kuba, au Japon, a constitué une spectaculaire vitrine des robots de demain. Notons, pour l'anecdote, que, dès 1988, les Parisiens croiseront dans les couloirs du métro des robots nettoyeurs. Accompagnés dans un premier temps par des techniciens, ces robots auront pour mission de nettoyer les rames, les stations, les voûtes et les voies. À partir de 1990, d'autres tâches seront automatisées, telles que l'entretien des sièges et des corbeilles à papier. Enfin, vers 1993-1995, seront introduits des robots autonomes télésurveillés.