Au niveau de l'économie française dans son ensemble, on enregistre pourtant une évolution favorable pour l'année 1984, qui, selon les prévisions, devrait se prolonger en 1985 et 1986. La part des entreprises dans le revenu national, c'est-à-dire leur capacité de financement, tend à augmenter au détriment de celle des ménages. Le taux de marge des sociétés devrait atteindre 27,3 % en 1986 contre 25,3 % en 1985, et leur capacité d'autofinancement se situer aux alentours de 89,5 % contre 58,7 % en moyenne sur la période 1981-1984. Des résultats aussi satisfaisants devraient contribuer à accroître l'autonomie des entreprises et à leur redonner un certain goût pour l'initiative et le risque.

Quelques comportements sectoriels montrent pourtant que les habitudes bureaucratiques sont loin d'avoir disparu et que l'État – ou ses représentants – continuent à prétendre régir certaines activités. L'exemple du transport aérien est à cet égard particulièrement intéressant. On constate, à l'échelle mondiale, une tendance à la déréglementation dans ce secteur. Elle est réalisée aux États-Unis et pour un certain nombre de liaisons internationales au départ de ce pays. La France se situe clairement à l'écart de ce mouvement. Elle refuse la déréglementation sur l'Atlantique nord, la freine en Europe et protège ses monopoles sur les routes africaines. Le Point de Mulhouse n'avait pas obtenu, au début de novembre 1985, l'autorisation officielle de s'attaquer, avec des prix compétitifs, au marché des transports charters entre la France et les États-Unis. Les compagnies américaines occupent pourtant sur ce segment une place prépondérante, puisqu'elles assurent plus de 90 % du trafic. De nombreux obstacles restent donc encore à surmonter pour que les indicateurs très avancés d'un renouveau de l'entreprise en France se transforment en une annonce d'une possibilité réelle d'évolution dans ce sens.

L'autonomie du secteur nationalisé

On ne saurait prétendre traiter du renouveau de l'entreprise en France sans aborder explicitement le cas du secteur nationalisé. Quelques indicateurs semblent révéler que celui-ci bénéficie d'une plus grande indépendance en matière de gestion, ce qui en aucun cas ne signifie autonomie réelle. Il n'est pourtant pas exclu qu'une évolution, à terme irréversible, soit en train de se dessiner. On pourrait, en effet, considérer que la volonté affichée par le gouvernement de voir les entreprises publiques (hormis celles qui de toute évidence appartiennent à des secteurs en déclin) atteindre l'équilibre comptable relève de la catégorie des vœux pieux. Pourtant, on constate une amélioration très nette des résultats des firmes publiques industrielles, à l'exception de l'automobile et de la sidérurgie, ainsi qu'en témoigne le tableau.

Plus significatif est le fait que les entreprises nationalisées font appel au marché financier, notamment en émettant des titres participatifs ou en introduisant leurs filiales de droit privé sur le second marché. Le tableau donne quelques aperçus de la situation au mois de février 1985.

Saint-Gobain a, en outre, introduit au mois de juin sa filiale Saint-Gobain-Emballage sur le second marché et mis sur le marché, le 15 novembre 1985, 15 % du capital de la Société Européenne de Produits Réfractaires. Rhône-Poulenc a, de son côté, placé pour un milliard de certificats d'investissements. Sauf à admettre que les contreparties à ces opérations sont des investisseurs institutionnels eux-mêmes nationalisés, ce qui en ferait une simple manipulation comptable des fonds publics, le recours au marché financier doit conduire, à terme, à une transformation du comportement des firmes publiques.

Les investisseurs privés sont intéressés par la rentabilité de leurs placements. Ils n'accepteront donc de répondre aux appels des entreprises publiques qu'à la seule condition que ces dernières aient fait la preuve de leur volonté et de leur capacité à être rentables. Si les pouvoirs publics sont prêts à accepter les conséquences de leur choix en termes de modalités de financement, il leur faudra accorder aux firmes nationalisées plus d'autonomie dans la définition de leurs objectifs. Les considérations de rentabilité devront prendre en partie le pas sur les missions d'intérêt général ou la satisfaction des impératifs fixés par le gouvernement. En toute logique, il devrait en résulter une indépendance accrue pour les entreprises nationalisées. Celle-ci ne se manifestera dans les faits que si elle est soutenue par une réelle volonté politique. Des mesures récentes ont été prises qui devraient favoriser cette évolution.

L'amorce d'une libéralisation

Le gouvernement, par des mesures législatives et réglementaires, a montré sa volonté de favoriser une croissance de la liberté d'action des entreprises. Le cadre institutionnel dans lequel évoluent les firmes devient ainsi plus favorable et moins contraignant. Il est encore trop tôt pour déterminer les conséquences de ces décisions. Elles dépendront largement de la manière dont elles pourront être appliquées, et du désir manifesté par les bénéficiaires potentiels d'en profiter réellement. Il convient de souligner que certaines de ces mesures dépassent largement le cadre de l'économie pour toucher la société dans son ensemble.