Le renouveau des entreprises

Une caractéristique récente de nombreuses économies occidentales développées est l'accroissement du rôle prêté aux entreprises. Cette évolution est souvent qualifiée de « renouveau de l'entreprise ». Sans tomber dans le lieu commun, il importe de cerner le phénomène avant d'en analyser les causes et d'en souligner les manifestations.

La complexité du fonctionnement des économies modernes rend difficile l'appréciation du rôle des différents agents qui y participent. La multiplicité des formes de leur contribution en est une cause. Les entreprises n'échappent pas à cette règle. Il est par exemple possible de mesurer la part de ces dernières dans la production. Elle représente, selon le cas, de 80 à 95 % du produit intérieur brut des nations occidentales. L'intérêt de cette donnée chiffrée, pour être certain, n'en est pas moins limité. Il convient, en effet, de savoir ce qu'elle recouvre. Les comptables nationaux définissent les entreprises comme des organisations qui, quel que soit leur statut juridique, ont pour rôle essentiel de produire et de vendre des biens et des services. Aucune distinction n'est donc faite sur la base de l'autonomie de décision, notamment par rapport à l'État. De même, la mesure des activités des entreprises ne tient pas compte de leur efficacité, ou plus précisément de leur rentabilité.

Si renouveau des entreprises il y a, il ne peut donc certainement pas être appréhendé au travers de la simple mesure de la contribution des firmes à la production nationale. Le phénomène en question est à la fois qualitatif et dynamique. Les entreprises sont en situation d'interdépendance fonctionnelle, mais aussi structurelle et institutionnelle avec les autres agents économiques. Elles emploient des salariés et vendent leur production aux ménages, aux administrations et à d'autres firmes. Elles sont par ailleurs soumises à des réglementations qui régissent leurs relations avec l'environnement ; les législations commerciale, fiscale et du travail en constituent un exemple. Enfin, les dirigeants sont contrôlés par les propriétaires des entreprises. Lorsque ces dernières appartiennent à l'État, il n'y a pas toujours coïncidence entre l'intérêt du propriétaire et celui de la firme.

Le renouveau de l'entreprise procède essentiellement de la prise de conscience du rôle central qu'occupe cette dernière dans le développement économique et social. Pour que l'entreprise puisse tenir cette fonction, il faut que les contraintes qui s'exercent sur elle se relâchent, et qu'elle dispose de plus d'autonomie de décision. L'accroissement de son pouvoir ne peut se faire, dans un premier temps, qu'au détriment de celui de l'État, des ménages et d'organisations intermédiaires. Le corollaire est qu'en cas d'échec l'entreprise est condamnée à disparaître. Par contre, dans l'éventualité d'un succès, les effets induits bénéficient à la collectivité. Ils créent, en outre, les conditions d'un nouveau relâchement des contraintes structurelles et institutionnelles.

La tendance caractéristique de la période actuelle est donc la reconnaissance du besoin qu'ont les entreprises de disposer d'une plus grande autonomie pour jouer avec efficacité le rôle qui leur est dévolu. Indissociablement liée à cette évolution, mais parfois moins apparente, est l'acceptation du fait que la firme doit alors supporter les conséquences, bénéfiques ou défavorables, de ses décisions. Ce phénomène se manifeste de manière plus ou moins ouverte dans toutes les économies occidentales. Certains croient même en déceler des signes avant-coureurs dans les pays de l'Est. Il n'est pourtant pas sans soulever des oppositions certaines.

Celles-ci sont naturellement dues aux organisations dont le rôle est remis en cause par cette évolution, soit qu'elles n'aient plus lieu d'exister, soit qu'elles n'aient pas su s'adapter à la situation nouvelle. Leur pouvoir relatif, plus ou moins grand selon les pays, constitue l'un des facteurs explicatifs de la diversité des situations nationales. Le renouveau de l'entreprise se traduit dans les faits avec d'autant plus de vigueur qu'il se heurte à moins d'oppositions organisées.