Au rang des facteurs baissiers :
– une persistance de l'offre excédentaire qui reflète une sous-utilisation considérable (– 10 à 15 Mb/j) des capacités de production ;
– le développement de la production hors OPEP ;
– la stagnation de la demande pétrolière de l'OCDE ;
– la fin de la politique de stabilisation du marché conduite par l'OPEP, et singulièrement l'Arabie Saoudite, ainsi que les dépassements de quota de certains membres de l'OPEP ;
– la fin de la politique de défense des prix à long terme par les pays de l'OPEP seuls et la pratique quasi générale par ces pays de prix flottants ou dérivés du marché des produits (netback) ;
– le développement des accords de troc.

À l'issue d'une série de conférences au sommet pour examiner les conséquences de ces facteurs sur le marché, des décisions essentiellement conservatoires furent adoptées. L'OPEP se trouvait en face de l'alternative suivante :
– continuer de défendre seule des prix officiels minimaux en acceptant la contraction des parts de marché de ses membres ;
– livrer bataille sur le marché avec le risque d'une forte baisse des prix qui entraînerait avec elle une diminution des revenus des pays membres.

La première stratégie ne pouvait n'avoir qu'un temps en raison du refus des pays membres de l'OPEP de participer à la défense des prix. En outre, le niveau élevé de ces prix ne faisait qu'entretenir les facteurs qui ont abouti à la perte de marchés subie par les pays de l'OPEP (stimulation de l'exploration dans les pays hors OPEP et développement des sources d'énergie alternatives).

Tout indique que si l'OPEP et les autres pays producteurs ont apparemment choisi de privilégier désormais la défense des parts de marché, celle-ci ne sera pas sans conséquence sur les prix. L'Arabie Saoudite en tête avait vu arriver cette situation, lorsque, à la fin des années 70, elle avait suscité la création d'un comité de stratégie à long terme pour faire passer l'idée de prix optimisés plutôt que maximisés, tenant compte de la défense de la place du pétrole face au développement des autres sources d'énergie. Le maintien de cette fiction des prix officiels a été supporté largement par l'Arabie Saoudite, qui a assumé l'essentiel de l'effort en réduisant sa production au-dessous de 2 millions de barils par jour (pour un quota théorique de 4,35 Mb/j). Ce pays le fit savoir explicitement avant la conférence qui s'était tenue en deux temps en juillet : il le rappela, implicitement, en passant des accords de vente sur la base des prix de netback avec plusieurs des partenaires de l'Aramco et d'autres compagnies à la fin de 1985. L'Arabie Saoudite, désireuse de relever son rythme d'extraction, tombé à moins de 2 millions de barils par jour, clarifiait ainsi sa position.

Dans tous les cas, même si l'on peut se demander si l'abandon en décembre 1985 de la priorité accordée à la défense des prix sera payant pour l'OPEP, cette politique était largement amorcée dans les faits avec l'extension des rabais, du troc et des ventes au spot (sur le marché libre).

Après cette année cruciale, comment les prix du pétrole vont-ils évoluer et quel est l'avenir de l'OPEP ?

C'est dans la fourchette de prix de 15 à 22 $ par baril qu'une relance progressive de la consommation de pétrole serait possible. En deçà de ce chiffre plancher, des mesures de taxation des importations ou de réactivation du prix plancher de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) par les pays importateurs pour protéger leurs productions nationales (cas des États-Unis et de la Grande-Bretagne) ou les énergies alternatives en cours de développement (le nucléaire en France) ne seraient pas à exclure. En outre, la contraction des revenus des exportateurs risquerait d'aggraver la crise financière mondiale qui touche tant les pays endettés (Mexique, Nigeria, Indonésie, Venezuela) que les grandes compagnies engagées dans les développements pétroliers marginaux. Sans doute ces accords ne seront-ils maintenus que si l'adoption d'une stratégie moins brutale s'avère de nouveau impossible et si les producteurs hors OPEP acceptent finalement de faire cause commune avec l'OPEP pour défendre les prix à long terme. Les gouvernements des Treize peuvent-ils s'accorder aujourd'hui sur une politique qui nécessiterait une gestion très serrée de l'offre et des prix jusqu'à la remontée progressive de la demande de brut OPEP attendue dans les années 90 ?