Quant au Premier ministre, Laurent Fabius, lors du 40e anniversaire de l'UNAF (Union nationale des associations familiales), célébré le 26 octobre, il lance « une très sévère mise en garde contre ceux qui, parlant prétendument au nom de valeurs françaises, prônent aujourd'hui l'exclusion, l'égoïsme, le racisme et finalement la haine ».

Dans ce concert, à l'instar des Églises protestantes et du rabbinat, la hiérarchie catholique fait entendre sa voix. Cinq évêques, présidents de commissions épiscopales, signent le 10 mai une déclaration conjointe dénonçant les « peurs irraisonnées » à l'égard de personnes vivant dans notre pays, originaires particulièrement du Maghreb, d'Afrique noire et de Turquie, c'est-à-dire essentiellement de confession musulmane, avec qui il convient de « vivre ensemble » dans la diversité (Texte publié dans Hommes et Migrations, no 1 082, 15 juin 1985.). Le jour même de la publication de l'enquête du Figaro Magazine, en octobre, le président de la Conférence des évêques de France, qui se trouve réunie à Lourdes, s'élève contre des « peurs injustifiées » et le « mépris inacceptable », qui empêchent de « construire entre immigrés et Français les chances d'un avenir commun ».

Tel est le climat général, et il n'est pas surprenant que les principales formations politiques réservent une place importante à l'immigration dans leur programme. Pour le parti socialiste, il faut certes maîtriser les flux migratoires, mais avant tout favoriser l'insertion des étrangers en situation régulière qui désirent rester, en leur accordant les mêmes droits qu'aux nationaux, et permettre aux communautés d'origines diverses de maintenir leur culture traditionnelle, en un mot construire ainsi une France « multiethnique » et « pluriculturelle ».

Le parti communiste, plus discret sur ce thème, se prononce depuis longtemps pour l'arrêt de l'immigration, légale et clandestine, mais tient à faire barrage au racisme, en s'opposant à toute discrimination à l'égard des travailleurs étrangers présents.

Dans l'opposition, concernant ce qu'il est convenu d'appeler l'extrême droite, « le problème de l'immigration est véritablement au cœur du phénomène Le Pen » a-t-on noté à juste titre (Eric Roussel : le Cas Le Pen. Les nouvelles droites en France ; Paris, J.-C. Lattès, 1985, 183 p.). Suivi par les porte-parole du mouvement, le leader du Front national ne manque jamais de l'évoquer dans toutes ses interventions, et il résume ses propositions dans un livre paru en novembre, la France est de retour (Jean-Marie Le Pen : la France est de retour ; Paris, Carrère-Lafon, 1985.). Récusant l'accusation de racisme, et considérant le chômage comme lié à la présence des étrangers, il réclame des mesures radicales : fermeture des frontières et refoulement des clandestins, rapatriement des chômeurs, priorité d'embauche aux Français, suppression de l'octroi automatique de la nationalité française aux enfants qui naissent en France, interdiction de toute intervention dans la vie politique française, et, bien entendu aucun droit de vote.

Une partie de ces propositions se retrouve dans l'opposition parlementaire (L'Union libérale. V. Giscard d'Estaing. J. Chirac, R. Barre. 8-9 juin 1985 ; Paris, Convention libérale, 1985, 200 p.), au RPR et à l'UDF, avec des nuances de l'un à l'autre : maîtriser les flux en revenant à des contingents limités et contrôlés, lutter efficacement contre les clandestins et irréguliers, encourager les retours par des accords avec les pays concernés et par une formation professionnelle adéquate, réviser le code de la nationalité, afin de faire en sorte que celle-ci résulte d'une volonté clairement exprimée, proclamer que les droits politiques ne peuvent découler que de la nationalité, réserver éventuellement aux nationaux certaines prestations sociales à finalité démographique, etc. Le refus d'une société multiculturelle et la sauvegarde de l'identité française ont été nettement affirmés, en particulier lors de la Convention nationale tenue en juin à l'initiative de l'ancien président V. Giscard d'Estaing.