L'année, d'ailleurs, est jalonnée par la publication d'articles, ou de numéros spéciaux de revues (Français-immigrés. Esprit, juin 1985. Étrangers, Immigrés, Français. Vingtième siècle, revue d'histoire, no 7, juillet-septembre 1985. Une nouvelle revue, Revue européenne des migrations internationales, vol. I, no 1, septembre 1985, est publiée par le département de géographie de l'université de Poitiers.), et de livres, dont la liste serait longue et dont le titre exprime souvent le propos. Par exemple, en janvier, dans l'Immigration, une chance pour la France (Bernard Stasi : l'Immigration, une chance pour la France, Paris, Laffont, 1984, 184 p.), Bernard Stasi, vice-président du CDS, se prononce nettement en faveur du « métissage culturel » et d'une « société plurielle », par une politique respectueuse d'un « droit à la différence ». Il est attaqué au sein même de l'opposition, le sénateur Christian Bonnet demandant sa mise en congé de l'UDF.

En ce même début d'année est édité en livre de poche un roman d'une tout autre inspiration, le Camp des saints (Jean Raspail : le Camp des saints ; réédition avec préface ; Paris, Laffont, 1985.), de Jean Raspail, qui dénonce dans une préface nouvelle le danger mortel d'une véritable invasion de la France, et de tout l'Occident, par les peuples du tiers monde à la prolificité débordante. Le livre d'Alain Griotteray, maire PR de Charenton, les Immigrés : le choc (Alain Griotteray : les Immigrés : le choc ; Paris, Plon, 1984, 182 p.), a répondu, auparavant, à celui, publié en 1984, la Fin des immigrés (Françoise Gaspard et Claude Servan-Schreiber : la Fin des immigrés ; Paris, éd. du Seuil, 1984, 216 p.), par Cl. Servan-Schreiber et Françoise Gaspard, ancien maire socialiste de Dreux, la ville, pourrait-on dire, par où le scandale était arrivé, du fait d'une alliance entre RPR et Front national, et d'une campagne de caractère national à propos d'une élection municipale marquée par le problème de l'immigration. Jean-Yves Le Gallou, qui rejoindra bientôt le Front national, publie de son côté, avec le Club de l'Horloge, la Préférence nationale : réponse à l'immigration (Jean-Yves Le Gallou et le Club de l'Horloge ; la Préférence nationale : réponse à l'immigration ; Paris, Albin Michel, 1985, 272 p.). Un peu plus tard et sur un ton plus mesuré, Didier Bariani, du parti radical, rapporteur de l'UDF sur ces questions, donne les Immigrés pour ou contre la France (Didier Bariani : les Immigrés pour ou contre la France ; Paris, éd. France-Empire, 1985, 112 p.).

Dans la majorité gouvernementale, les positions sont tout autres. Le président de la République, François Mitterrand, prêche d'exemple. Le 20 avril, à la Ligue des droits de l'homme, après avoir flétri « le racisme qui survit chez nous », reprenant une des propositions du programme commun de 1981, il prône la participation des immigrés à la gestion locale, qui est « une revendication fondamentale qu'il faudra réaliser ». Mais les temps ne sont pas venus, car l'opinion publique n'est pas prête à l'accepter. Approuvées par toutes les formations de gauche, à l'exception du parti communiste, qui dénonce une manœuvre politicienne, de telles déclarations suscitent des réactions hostiles de l'opposition, plus ou moins véhémentes. La Ligue des droits de l'homme avait d'ailleurs déjà demandé en mars une modification du Code électoral, destinée à accorder le droit de vote et l'éligibilité aux élections municipales, cantonales et régionales, aux étrangers titulaires de la carte de résident.

Quelques mois plus tard, face aux préoccupations qui se font jour à propos de la situation démographique du pays, François Mitterrand substitue au Haut Comité de la population un Haut Conseil de la population et de la famille (décret du 20 octobre 1985). Une des missions qu'il lui confie en l'installant est d'« assumer la société multiraciale ». Il reprend le même thème à sa conférence de presse de novembre en déclarant, sans plus de précision, que les immigrés en situation régulière sont « chez eux » en France.