La guerre des étoiles

Dans son projet, l'initiative de défense stratégique (IDS) se définit comme un programme de recherches visant à explorer les voies ouvertes par de nouvelles technologies, grâce auxquelles il serait possible de créer, contre les missiles balistiques (ICBM), un système de défense dont certains éléments seraient déployés dans l'espace. Et bien que les étoiles ne puissent pas être « inquiétées », le côté « science-fiction » de ce système de défense lui a valu d'être popularisé sous l'appellation de « guerre des Étoiles ». Le programme lancé le 23 mars 1983 par le président Reagan est généreux dans son projet (rendre caduques les armes nucléaires), stratégiquement séduisant (fin de l'équilibre de la terreur et survie mutuelle assurée), plus que complexe dans sa réalisation (les technologies qu'il présuppose en sont pour beaucoup d'entre elles au stade du laboratoire). En outre, il est largement controversé et pour le moins tenu en suspicion quant à ses effets politico-stratégiques.

Les données générales

Tel qu'il se présente, le programme de recherches, une fois finalisé, devrait permettre la mise en place d'un véritable « bouclier » de défense spatiale capable de faire face à une attaque de plus de 3 000 missiles balistiques (soit plus de 30 000 ogives) avec une efficacité voisine de l'absolu. Pour ce faire, l'IDS implique la maîtrise de technologies nécessaires à la mise en œuvre d'armes à énergie dirigée et à énergie cinétique, intégrées et relayées de façon complexe par un système de satellites spécialisés (détection, surveillance, commandement, télécommunications). Si l'on se rapporte aux termes de la proposition, on peut difficilement imaginer échapper aux débats sur la faisabilité d'un tel système.

Si l'idée d'une défense contre les missiles balistiques n'est pas nouvelle (dès le début des années 60 l'URSS et les États-Unis s'étaient lancés dans cette voie), l'originalité de l'IDS tient à l'élaboration d'un système d'interception multicouches correspondant aux différentes phases de la trajectoire des engins ; à l'opposé des solutions précédemment envisagées, les efforts visent ici la phase de départ du missile et non celle de rentrée dans l'atmosphère. Les données du problème sont donc fiées aux quatre phases successives d'une fusée balistique : lors de la phase initiale de propulsion, le missile n'a pas encore libéré ses ogives et il est facilement détectable en raison de la signature infrarouge des moteurs-fusées (durée 3 à 5 min) ; dans la phase de dispersion, le missile libère ses ogives et ses leurres sur leurs trajectoires (durée 3 à 10 min) ; au cours de la phase balistique, l'ensemble missile et leurres poursuit sa course pendant 10 à 20 min ; pendant la phase de rentrée atmosphérique, la majorité des leurres sont éliminés d'eux-mêmes par échauffement lié au frottement de l'air.

La phase initiale de propulsion, bien que présentant le double avantage d'être facilement repérable et d'offrir au tir éventuel un missile porteur de toutes ses ogives, a également l'inconvénient d'être très brève, d'où l'idée de disposer d'armes à énergie dirigée (AED), tels que lasers et faisceaux de particules à haute énergie dont les vitesses sont comparables à celle de la lumière. Ces mêmes armes seraient utilisées dans les phases 2 et 3, avec une complexité accrue liée à la discrimination des ogives et des leurres alors déployés. À ce processus déjà compliqué s'ajouterait la mise en œuvre de centaines de satellites afin de détecter, d'évaluer la menace et de commander le fonctionnement des armes ; de plus, il faudra vérifier si après chaque tir la cible a bien été détruite ou si elle doit être prise en compte par l'échelon de défense suivant. Vaste problème de traitement de l'information que seuls des ordinateurs hyperpuissants pourraient mener à terme. Si la phase de rentrée dans l'atmosphère ne laisse subsister que les ogives – les leurres s'autodétruisent au contact de l'atmosphère –, toute erreur à ce stade se traduira par l'explosion des charges nucléaires.

Des paramètres complexes

Lorsque le missile quitte son silo, il n'est visible d'aucun point de la surface terrestre, d'où la nécessité de déclencher le système d'interception à partir de l'espace. Deux types de solution sont actuellement envisagés. Les armes à énergie dirigée peuvent être placées en orbite de façon permanente ou être éjectées au moment de l'attaque. Le premier cas de figure suppose un nombre considérable d'armes en « stationnement » afin d'être nécessairement en « position » au moment de l'attaque. De plus, la question de leur vulnérabilité reste entière. La solution d'armes éjectées à partir de stations terrestres ou de sous-marins se heurte à la contrainte du temps : prise de décision quasi instantanée et rapidité de l'éjection. Une fusée à combustion instantanée, projetant un système d'interception capable de détruire un missile balistique intercontinental à la vitesse de la lumière, induirait un rapport poids/charge qui n'est pas aujourd'hui concevable. C'est pourquoi il a été envisagé de placer sur orbite certains éléments du système antimissiles. Des projets sont à l'étude, qui préconisent l'installation de lasers basés au sol et travaillant en conjonction avec des éléments optiques en orbite. Un laser au sol dirigerait son faisceau sur un miroir en orbite géosynchrone qui, après réflexion, le renverrait sur un miroir d'observation et de combat en orbite basse ; c'est ce dernier miroir qui dirigerait le faisceau vers le propulseur du missile. Outre le problème général de la construction des miroirs, de leur satellisation, de la mise en place de tous ces éléments, la question de la puissance énergétique nécessaire au fonctionnement de ce type de défense n'est pas actuellement maîtrisée. Certains experts scientifiques américains ont avancé qu'une défense efficace nécessiterait une décharge de puissance, pendant une minute et demie, équivalente au débit de 300 centrales électriques de 1 000 mégawatts, soit environ 60 % de la production actuelle d'électricité des États-Unis.