Mais ces règles de conduite ne suffisent pas toujours à résoudre toutes les questions. Si les CECOS n'acceptent de procéder à des IAD que sur des femmes vivant en couple hétérosexuel stable, Robert Badinter lui-même, ministre de la Justice, n'a pas rejeté le droit de la femme seule à l'insémination ! Et même l'insémination artificielle avec le sperme du conjoint peut poser problème, si le mari décède : l'affaire Corinne Parpalaix, qui a obtenu en 1984 devant les tribunaux le droit d'être inséminée avec le sperme de son époux mort, est encore dans toutes les mémoires.

Le fonctionnement des CECOS, remarque le P. Verspieren, est devenu une question publique. On ne peut échapper, selon ce philosophe jésuite, à une « régulation sociale » de l'insémination artificielle, régulation qui aura à son tour une influence sur les comportements et les convictions des citoyens. Mais le « travail de deuil », nécessaire pour faire d'une IAD, non pas un simulacre de parenté naturelle, mais un acte réfléchi d'un couple mûr, ne sera sans doute jamais facile. Il faut en tout cas espérer parvenir à une réglementation claire du fonctionnement des centres de don de sperme, car tous ne sont pas des CECOS. Une telle réglementation est demandée instamment par les responsables de CECOS. Mais la proposition de loi du Sénat, qui date de 1980, est toujours en attente.

– La fécondation in vitro avec transfert d'embryon : la « Fivete » est arrivée en France un jour de 1982, avec la naissance à l'hôpital Antoine-Béclère de Clamart de la petite Amandine. Celle-ci a eu, en 1985, trois ans et bon nombre de petits « cousins par l'éprouvette ». La technique répond aux stérilités par obstruction des trompes, mais peut aussi apporter une solution à certains troubles de la spermatogenèse, à l'existence d'anticorps antispermatozoïdes, ou à des stérilités « inexpliquées » au moins depuis cinq ans. Telle est l'attitude adoptée par l'équipe d'Antoine-Béclère.

L'ovule prélevé dans l'ovaire est fécondé en éprouvette, et l'œuf placé dans l'utérus maternel, selon une procédure extrêmement délicate, deux jours plus tard. Ces manipulations ont justifié l'appellation de « bébés-éprouvettes ». Les probabilités de succès sont relativement élevées : chaque femme à qui on prélève des ovules a une chance sur dix d'avoir un enfant neuf mois plus tard, soit seulement moitié moins de chances que normalement. En fait, on prélève à chaque fois quatre ou cinq ovules, et seuls deux ou trois, une fois fécondés, sont réimplantés (un seul œuf se développant en général). Que faire des autres embryons ? L'amélioration des techniques de congélation des tissus vivants permet aujourd'hui de les conserver, pour les réutiliser éventuellement par la suite, au cas où la première réimplantation aurait échoué. Mais cette possibilité ne semble pas actuellement être très utilisée, en France du moins. Alors ? Doit-on systématiquement détruire les embryons excédentaires ? Fin 1985, la question, posée au Comité national d'éthique, n'avait pas encore reçu de réponse.

En attendant, 15 jours de développement sont considérés par les comités d'éthique à l'étranger comme la limite admissible de culture d'un embryon en éprouvette. Edwards, le « père » technique de la petite Louise Brown, a proposé de couper chaque embryon en deux pour en réimplanter une moitié dans l'utérus et cultiver la moitié jumelle en éprouvette afin d'obtenir des ébauches tissulaires qui formeraient une réserve de greffons parfaits, en cas de maladie ou d'accident de l'individu né de la Fivete. Par ailleurs, on peut imaginer qu'un couple réclame que ne soient réimplantés que les embryons d'un des deux sexes.

Les possibilités de manipulation, de fait, sont très nombreuses. Et la porte leur est d'autant plus ouverte que les couples avides d'enfants se bousculent dans les services spécialisés et sont prêts à accepter toute nouvelle technique susceptible d'améliorer leurs chances de succès. À Antoine-Béclère, en 1985, la liste d'attente va jusqu'en 1988...