Journal de l'année Édition 1986 1986Éd. 1986

L'année dans le monde

Plus encore que par la liste noire des catastrophes naturelles et techniques, l'année restera peut-être marquée par un nouveau paroxysme de la violence des hommes. La finale de la Coupe d'Europe entre le Football-Club de Liverpool et la Juventus de Turin, au stade du Heysel à Bruxelles, fait 38 morts, le 19 mai – ce qui n'empêche pas le match d'avoir lieu. La violence politique, banalisée, n'épargne personne, pas même les démocraties occidentales. La Grande-Bretagne subit des émeutes raciales à Birmingham (10 septembre) et à Londres (16 octobre), la revendication basque continue de secouer d'attentats meurtriers la France et l'Espagne, sans oublier Action directe qui reprend du service (assassinat du général Audran, le 25 janvier).

En Afrique du Sud, le pays s'installe dans une agitation endémique que le gouvernement de Pieter Botha n'est pas capable de maîtriser ; la pendaison, le 18 octobre, du poète Benjamin Moloïse, accusé de l'assassinat d'un policier, aggrave les tensions, mais, si l'apartheid est dorénavant l'objet d'une dénonciation unanime, cela n'empêche pas les coureurs automobilistes de disputer le grand prix d'Afrique du Sud.

Une bonne part de la violence politique rayonne autour de Beyrouth et du Proche-Orient. Aucune amélioration n'est en vue au Liban, où la guerre dure depuis dix ans. Les extrémistes chiites revendiquent une république islamique. Chaque camp multiplie les attentats : la voiture piégée est une arme efficace, qui tue 78 musulmans le 8 mars et 60 chrétiens le 22 mai. Les prises d'otages sont monnaie courante, et tous n'ont pas la chance des passagers d'un Boeing 727 de la TWA, détourné le 14 juin, qui sont finalement libérés le 29, après quinze jours seulement de captivité.

De même, sauf un malheureux passager juif américain paralytique, froidement exécuté, les passagers de l'Achille-Lauro ont eu la bonne fortune de ne rester prisonniers que du 7 au 9 octobre. Les terroristes sont à leur tour détournés le 10 octobre par la chasse américaine (et l'OLP dénonce sans rire cet acte inqualifiable de piraterie internationale) ; cet épisode entraîne une crise italo-américaine, mais le président du Conseil italien, Bettino Craxi, après une crise gouvernementale, sort renforcé pour l'attitude ferme qu'il a adoptée, et c'est finalement l'Italie qui jugera les Palestiniens. En revanche, le dénouement d'un autre détournement (à partir d'Athènes, comme bien souvent), est plus sanglant, le 24 novembre : 56 morts sur l'aéroport de Malte lors de l'assaut donné par un corps d'élite égyptien. La circonférence de la guerre du Proche-Orient s'élargit sans cesse : ainsi le 1er octobre, l'aviation israélienne, à titre de représailles, bombarde le siège de l'OLP dans la banlieue de Tunis, nouveau drame pour un petit pays paisible, déjà traumatisé par la tension que crée son puissant voisin libyen et par l'angoisse de la prochaine succession de Bourguiba (83 ans).

Les affrontements spectaculaires ne peuvent faire oublier les conflits qui perdurent, dans l'indifférence de l'opinion publique. La guerre du Golfe, entre l'Iran et l'Iraq, a connu, dans sa sixième année, une nouvelle escalade avec le bombardement des villes et des populations civiles. Plus loin, à l'Est, on oublie davantage encore que le malheureux Cambodge, depuis dix ans, n'a pas retrouvé la paix et que Vietnamiens et Khmers rouges s'y affrontent toujours. De même qu'on se désintéresse de la guerre civile éthiopienne ou de la guérilla anti-sandiniste au Nicaragua où le gouvernement, le 15 octobre, suspend les libertés démocratiques pour un an, prouvant bien ainsi que le pays, qui s'est débarrassé en 1979 du sanguinaire Somoza, est passé d'une dictature à une autre.

À quelques exceptions près, le tiers-monde n'a donc pas trouvé son équilibre politique. L'Afrique noire a connu quatre coups d'État ; deux ont réussi : au Soudan, le 6 avril, le général Dahab évince le maréchal Nemeyri ; au Nigeria, où l'instabilité politique est particulièrement grande, un général chasse l'autre, le 27 août ; deux coups d'État ont échoué, mais plus par maladresse de leurs auteurs que par mobilisation des citoyens en faveur du régime légitime : en Guinée, le 5 juillet, et au Libéria, le 12 novembre.