La pause ainsi enregistrée en février-mars par la Bourse de Paris n'empêche pas les cours de monter de nouveau en avril-mai, malgré les tensions sociales qui se manifestent çà et là, de la sidérurgie lorraine aux chantiers navals, ou malgré l'avertissement du FMI sur la croissance trop rapide de nos dépenses publiques. Dans le même temps, L'INSEE s'attend à une inflation 1984 de 6,5 % seulement et à une baisse du déficit commercial, et il y a assez de bons résultats pour animer la cote du côté de Roussel-Uclaf, par exemple, ou du BHV. Les transactions restent d'ailleurs avec un total de 119 milliards de F (+ 8 %) pour le premier quadrimestre. L'opinion de l'étranger se montre, en outre, plus favorable à l'action menée de l'intérieur. L'indice général se retrouve en mai au niveau de 180 et même de 181 quand Wall Street se met à baisser : les difficultés imputées à la Manufacturers Hanover Trust font suite à celles de la Continental Illinois ; les attaques de pétroliers se multiplient dans le Golfe ; la Bolivie suspend le service de sa dette aux banques étrangères privées et relance les craintes monétaires ; Henri Kaufman, le gourou américain, annonce la hausse spectaculaire des taux d'intérêt.

Taux d'intérêt

Car le grand problème de la Bourse américaine est là, être en permanence partagée entre croissance économique et taux d'intérêt au point que, si la croissance est plus forte que prévu, ce n'est plus un facteur de hausse mais de baisse, car cela appelle une action restrictive sur les taux pour contrôler les pressions inflationnistes. Cette baisse de New York pèse sur Paris. C'est l'heure des élections européennes, celle aussi des manifestations de masse pour l'école privée et de la mise en règlement judiciaire de Creusot-Loire par le Tribunal de commerce. S'ajoutent un nouvel emprunt d'État et la crainte d'un plan de rigueur. François Mitterrand ne fait que proposer un référendum. Mais Laurent Fabius devient Premier ministre. L'homme s'emploiera bientôt à rassurer, secondé par son ministre des Finances qui parle d'assainissement des finances publiques, voire d'assouplissement du contrôle des changes. La prime du dollar-titre tombe au-dessous de 10 %.

Vive le dollar

Mais les marchés sont versatiles. Suit un réveil brutal de Wall Streel et la remontée de la prime de la devise-titre à près de 20 %. Paris peut respecter sa traditionnelle hausse d'été et ce d'autant plus que l'un des vieux moteurs de la spéculation est au rendez-vous : la découverte de pétrole dans le Bassin parisien et en Aquitaine. Le marché est toujours actif.

Le recul du marché monétaire à moins de 11 %, son niveau le plus bas depuis avril 1981, joue dans le bon sens, tout autant que la remise en cause de l'escalade de la pression fiscale à l'occasion de la présentation du budget, même si on demande un milliard aux pétroliers et toujours un effort à l'automobile. Grand succès industriel, le choix d'Airbus par Pan Am est bien accueilli. Il est vrai que le dollar atteint au même moment des niveaux sans précédent (plus de 9,70 F), ce qui n'est pas étranger au choix de la compagnie américaine.

Le napoléon déprimé

Les détenteurs d'or peuvent, par contre, se plaindre des niveaux de la devise américaine et ces détenteurs sont traditionnellement nombreux en France. Sur ce plan, 1984 n'aura pas été meilleur que 1983. Les niveaux du dollar et sa rémunération retirent tout intérêt à la détention stérile de métal jaune. Compte tenu, de plus, de la taxe à la vente et de la suppression de l'anonymat sur les transactions, le placement chéri des Français a perdu toute audience. À commencer par la pièce de 20 F, le napoléon, qui ne vaut plus, en septembre, que son poids d'or fin. La prime qui avait autrefois culminé à près de 130 % a totalement disparu. La pièce n'est plus que rondelle de métal.

Le seul or qui rapporte vraiment, c'est l'emprunt d'État 7 % 1973 (emprunt Giscard) qui est remis en cause en octobre. En fait, son indexation est définitivement acquise, mais on touche à son régime fiscal. Les particuliers seuls sont visés et l'opposition politique crie au scandale. Sur le marché, les cours reviennent un instant au-dessous de 9 000 F et trouvent à ce niveau un solide soutien des investisseurs institutionnels. Il est vrai que cet emprunt, véritable lingot à dividende, reste unique au monde.