Ce qui est le plus frappant dans cette profession, en France comme ailleurs, c'est la différence d'allure entre une construction électrique classique (gros équipement de production et de transport d'électricité, moteurs de toutes tailles, électroménager), qui stagne ou se développe à peine, et un sous-secteur électronique (automates, robots, télématique, composants), qui progresse à pas de géants.

À deux vitesses

Ayant généralement un pied dans l'ancienne construction électrique et l'autre dans la nouvelle industrie électronique, les entreprises doivent faire face, dans le premier cas, à une concurrence exacerbée, et, dans le second, à l'obligation de s'allier avec les spécialistes de l'ordinateur et du semi-conducteur. D'où des stratégies — on le voit chez Thomson et à la CGE — combinant l'assainissement des activités traditionnelles et la diversification dans des techniques de pointe, grâce, notamment dans ce dernier cas, à des alliances internationales. Dans le grand kriegspiel industriel qui se joue aujourd'hui entre le Japon, l'Amérique et le Vieux Continent, ce dernier — et singulièrement la France — semble mal parti. Les rapprochements intervenus en 1984, par exemple dans la télématique, montrent tous que c'est le partenaire d'outre-Atlantique, que ce soit IBM ou ITT, qui fait la loi, alors que l'associé européen, Olivetti, Philips ou ICL, est en position de faiblesse.

Le problème de la CGE, qui a regroupé l'an passé les activités téléphoniques de Thomson avec les siennes propres, est précisément de se rapprocher d'un groupe américain suffisamment important pour qu'il lui apporte une technologie et un réseau, mais pas dangereusement trop gros. Certains observateurs pensent qu'il est désormais trop tard : la CGE a laissé filer les beaux partis, il ne lui reste plus que des deuxièmes choix.

L'automatisation

La mutation très rapide de la construction électrique ne se traduit pas seulement par des grandes manœuvres entre grandes entreprises, elle est également en train de déclencher l'apparition d'une nouvelle vague de PME spécialisées dans une activité qui explose littéralement : l'automatisation.

Ainsi, selon une étude du BIPE, le chiffre d'affaires des matériels d'automatisation, en France, devrait atteindre 25 milliards de F en 1990 contre moins de 5 en 1983. Une telle croissance — près de 25 % par an — s'explique par la nécessité vitale d'accroître la productivité de tous les secteurs industriels. D'ores et déjà, les dépenses d'automatisme ou, comme on dit maintenant, de productique représentent 4 % dans l'agro-alimentaire, 10 % dans l'automobile, 20 % dans la chimie et 24 dans l'énergie. À l'échelon mondial, le marché du matériel d'automatisation est de l'ordre de 100 milliards de F, Américains et Japonais s'octroyant 60 % du gâteau. Pour bien réussir dans ce métier (c'est précisément leur cas), il faut avoir des compétences dans des domaines aussi variés que les systèmes de commandes séquentielles, la régulation et, bien entendu, l'informatique. Rares sont les entreprises qui disposent d'une telle panoplie mais, paradoxalement, ce sont souvent des firmes de taille moyenne, évidemment très courtisées par les grands groupes, qui, eux, n'ont pas toujours la souplesse voulue pour maîtriser des activités pluridisciplinaires.

Des secteurs mous

Quels que soient les handicaps des entreprises de la construction électrique et électronique française (rigidité des grands groupes, manque de moyens financiers des PME, incapacité chronique de Bull, notre champion de l'informatique, à dégager des bénéfices), le secteur reste globalement compétitif. Au cours du premier semestre 1984, les exportations ont progressé de 26 % contre seulement 20 % pour les importations, d'où un excédent commercial de 3 milliards de F. Lorsqu'on détaille cet excédent, on s'aperçoit que la compétitivité française est forte en matière de matériels téléphoniques et d'électronique professionnelle. Là où le bât blesse, c'est dans le domaine de l'informatique et de l'audiovisuel. En ce qui concerne l'informatique, le déficit extérieur annuel de la France est de l'ordre de 5 milliards de F. Pour l'audiovisuel au sens large (télévision, hifi, magnétoscopes), il atteint 7 milliards de F. Autres postes déficitaires : les appareils électroménagers, les composants électroniques et les lampes électriques.